Samia Ghali, l’irrésistible ascension d’une "insoumise"

Samia Ghali a accédé au Sénat en 2008, après une lente mais inexorable ascension.
Samia Ghali a accédé au Sénat en 2008, après une lente mais inexorable ascension. © MAXPPP
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Rémi Duchemin, avec AFP , modifié à
PORTRAIT - La sénatrice PS, native des quartiers Nord, est arrivée en tête de la primaire socialiste.

Un hasard de l’histoire. Samia Ghali, arrivée en tête dimanche du premier tour de la primaire socialiste, affrontera dans six jours Patrick Menucci. Or, c’est en se rendant, il y a près de trente ans, à un meeting du même Menucci, que cette native des quartiers Nord a attrapé le virus de la politique. Depuis, la trajectoire de l’actuel maire du 8e secteur de Marseille est rectiligne, dans le sens ascendant. Mais qui est vraiment Samia Ghali ?

Une Marseillaise pur jus. Point de parachutage pour Samia Ghali. La sénatrice socialiste est une vraie Marseillaise. Née le 10 juin 1968 dans la cité phocéenne, elle a grandi dans les très mal réputés quartiers Nord. Elle grandit d’abord cité Bassens, puis à Campagne Lévêque, deux quartiers difficiles de la ville.

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Une "orpheline". "Moi les diplômes, c'est dans la rue que je les ai obtenus". Samia Ghali revendique  largement ses origines modestes. Comme seul diplôme, elle affiche un CAP de secrétariat-comptabilité, obtenu à 16 ans et qui marqua la fin de ses études. Auparavant, tout n’a pas été facile pour la sénatrice. A six mois, elle échappe ainsi de peu à la mort pour cause de malnutrition. Entre un père absent et une mère qui la délaisse, elle est finalement élevée par ses grands-parents, des immigrés algériens, au milieu d'une population maghrébine et de quelques gitans. "On me nommait ‘Letema’. Soit, en arabe, l'orpheline", raconte-t-elle dans son autobiographie La Marseillaise, évoquant "une souffrance profonde".

Adolescente, elle assiste, impuissante, aux ravages de la drogue qui décime ses amis. Et pourtant, cette vie de "misère", comme la qualifie Samia Ghali elle-même, est "paradoxalement heureuse". D’autant qu’elle y puise "la ténacité" qui lui a permis et lui permet encore de gravir les échelons. Car "pour survivre, il faut serrer les poings", répète-t-elle.

Une politique née. Le virus de la politique, Samia Ghali semble être née avec. Elle adhère ainsi au Parti socialiste dès 16 ans, après avoir assisté, encouragée par un professeur, à une réunion de section animée par Patrick Menucci. Dès lors, l’ascension est irrésistible. Elle lâche peu à peu son poste de salariée dans une mutuelle pour devenir permanente de la fédération PS des Bouches-du-Rhône. Puis viennent les premières responsabilités. En 1995, elle devient conseillère d’arrondissement du 8e secteur (15e et 16e arrondissement), celui de son enfance. Puis en 2001, elle devient  conseillère municipale à la mairie centrale, avant, trois ans plus tard, de devenir, vice-présidente de la région Paca, chargée des sports, de la jeunesse et de la vie associative, à la tête d'un budget de 28 millions d'euros tout de même.

En 2008, c'est la consécration : colistière de l'ancien homme fort du PS local, Jean-Noël Guérini, elle ravit la mairie de "son" 8e secteur, dès le premier tour, et accède au Sénat. Son dernier coup de force date donc de dimanche soir. Face à une ministre du gouvernement, mais aussi à des poids lourds locaux, Samia Ghali parvient à terminer en tête du premier tour de la primaire socialiste. Et en affrétant des bus pour que ses soutiens puissent voter, en délissant le Sénat pour arpenter le terrain comme elle l’a fait ses dernières semaines, Samia Ghali a montré qu’à 45 ans, elle maîtrisait désormais parfaitement son art.

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Une provocatrice née. Mais si le grand public la connaît au-delà de Marseille, c’est surtout pour ses déclarations tapageuses, dont l’une est en particulier restée dans les mémoires. En août 2012, alors que les règlements de compte ensanglantent les quartiers Nord de Marseille, Samia Ghali milite dans le journal La Provencepour l’intervention de l’armée dans les quartiers les plus difficiles. La polémique qui s’ensuit la propulse dans la lumière. Les médias, qui découvrent une bonne cliente à la langue bien pendue, en redemandent. Récemment dans Libération, elle n’hésitait pas à attaquer le bilan du gouvernement. "Rien", répond-elle ainsi quand on lui demande ce qu’elle retient de positif dans l’action gouvernementale depuis mai 2012. Un franc parler qui lui permet de se présenter, dans son ouvrage, comme une "insoumise", et sur ses affiches, comme une "courageuse".

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Une femme tout en paradoxe. Mais Samia Ghali a aussi sa part d’ombre, et ses discours peuvent parfois se heurter de plein fouet à la réalité. Enfant des quartiers Nord,  celle qui porte souvent talons hauts et vestes aux couleurs vives, habite désormais, avec son mari et ses trois garçons, dans l’un des quartiers les plus huppés de Marseille, au sud de la ville. Sur le fond, elle fustige le clientélisme mais se garde de demander l'exclusion du PS de Jean-Noël Guérini (photo), empêtré dans plusieurs affaires politico-judiciaires, qui lui a mis le pied à l’étrier dans les années 2000. Et ses détracteurs la disent d’ailleurs volontiers soutenue par le président du Conseil général. Je ne suis "ni juge, ni procureur", balaye-t-elle quand la question lui est posée.