Le cœur des gays penche-t-il à droite ?

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Certains évoquent une droitisation des homosexuels. Mais y a-t-il réellement un vote gay ?

C’est une figure du militantisme homosexuel qui le dit : il y a en France une "droitisation du milieu gay". Dans son nouveau livre Pourquoi les gays sont passés à droite, Didier Lestrade, fondateur d’Act Up, fustige une génération individualiste, moins militante que par le passé, et pour une partie d’entre elle prête à se laisser draguer par l’extrême droite. Alors que la question du mariage homosexuel se retrouve aujourd’hui au cœur de la campagne de 2012, Europe1.fr a cherché à savoir si les homosexuels représentent un enjeu électoral. En d’autres mots : y-a-t-il  un vote gay en France ?

"Le fait d’être homosexuel ne conditionne pas le vote"

L'élu socialiste Bruno Julliard, contacté par Europe1.fr, en est, lui, convaincu : "l’orientation sexuelle n’est plus un élément déterminant du vote à lui seul". Observant lui aussi que "le sujet militant gay" est moins important que par le passé - la situation des homosexuels s’étant améliorée sur le plan de l’égalité des droits -, l’élu PS, ouvertement gay, rappelle une seule chose : "les gays sont des citoyens comme les autres. Comme tout vote, les intérêts particuliers sont déterminants".

Bruno Julliard relève au passage que ces mêmes intérêts "peuvent parfois être contradictoires". Chargé des questions d’éducation au PS, Bruno Julliard imagine l’exemple d’un couple de gays parisiens et cadres de profession: "Ils ne peuvent pas se marier, mais ils craignent peut-être que si François Hollande est élu, ils soient amenés à payer plus d’impôts". Même son de cloche chez Gilles Wullus. Le rédacteur en chef du magazine gay Têtu se dit persuadé que "le fait d’être homosexuel ne conditionne pas le vote".

"Il n’y a pas de droitisation"

Pourtant, des tendances se dégagent nettement d’après une récente enquête d’opinion.  A l’origine d’une note à paraître le 15 janvier pour le Cevipof, François Kraus, de l’Ifop est catégorique : "il y a un profond ancrage à gauche des homosexuels". Dans cette étude, le politologue s’est penché sur la question de savoir comment voteront les homos et les hétéros en 2012. Résultat : les intentions de vote pour la gauche avoisinent les 53%. "En 2007, les candidats de la gauche ont recueilli 49% du vote gay", précise-t-il à Europe1.fr. "Le rejet de la droite parlementaire est une constante. Il n’y a pas de droitisation", assure François Kraus.

En effet, d’après lui, les homosexuels étaient 20% à voter pour la droite parlementaire en 2007. Et dans les résultats recueillis, seules 20% des personnes interrogées comptent voter pour la droite classique en 2012.

Des chiffres qui confortent Gilles Wullus dans l’idée que les gays ne sont pas passés à droite. "Ce n’est pas qu’il y en a plus qu’avant qui votent à droite. C’est simplement qu’il est plus facile aujourd’hui d’être ouvertement gay et à droite", analyse-t-il.

Ces gays attirés par l’extrême droite

Mais en réalité, ce qui mérite d’être regardé de près d’après le politologue François Kraus, c’est "l’attrait des homosexuels pour l’extrême  droite". Dans son étude, le politologue note en effet qu’il y a cinq ans, "les homos étaient 13% à voter Front national". Ils sont 17% à vouloir soutenir le parti de Marine Le Pen en 2012. Le nombre de gays passés au Front national a donc progressé en cinq ans. "Cette proportion a augmenté de façon moindre toutefois que pour les hétéros", tempère François Kraus (NLDR, les hétéros seraient 10,5% à avoir voté pour le Front national en 2007 contre 19% d’intentions de vote pour 2012). 

Pour le rédacteur en chef du magazine Têtu, cette percée du Front national dans l’électorat homosexuel s’explique en grande partie par la candidate du parti elle-même, et par son "côté plus lisse" que son père. Gilles Wullus met également au crédit de Marine Le Pen une "habile manœuvre qui a commencé par ne pas avoir peur de parler des homosexuels, ce qui n’est pas le cas à l’UMP".

Pour le FN, "tous les votes sont les bienvenus"

En effet, face à la question gay, la présidente du Front nationale plaide "la liberté individuelle". Un changement de discours du Front national analysé par ses détracteurs comme une manœuvre électoraliste. "Nous avons un langage clair qui n’est pas électoraliste. Homosexuel ou pas, c’est la communauté nationale qui nous importe", se défend Marie-Christine Arnautu, en charge des affaires sociales au FN.

Interrogée par Europe1.fr, cette dernière se dit d’autant plus ravie de ce regain du vote homosexuel que dans son programme, le Front national "s’est prononcé contre le mariage homo, tout en disant qu’il fallait maintenir le Pacs en l’état". Et pour tenter d’expliquer ce phénomène, Marie-Christine Arnautu rappelle que le parti "reçoit beaucoup de courriers d’homosexuels qui vivent dans les banlieues".