Le FN vu de l’intérieur

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Fabienne Cosnay , modifié à
Dans Bienvenue au Front, la journaliste Claire Checcaglini raconte son infiltration au FN.

"Puisque le Front avance masqué, j’avancerai masquée moi aussi". Pendant huit mois, de mai 2011 à janvier 2012, Claire Checcaglin, journaliste indépendante de 35 ans, a décidé d’infiltrer le parti d’extrême droite. Dans son livre Bienvenue au Front-Journal d’une infiltrée, qui sort lundi prochain, Claire Checcaglin raconte comment elle a endossé le rôle de la parfaite militante FN. 

La journaliste a pris l’identité de sa grand-mère, Gabrielle Picard. "C’était parfait : un prénom chrétien, transgénérationnel, un nom bien franchouillard", confie la jeune femme dans un entretien à Mediapart. Pour justifier de son attrait soudain pour le FN et ne pas attirer la suspicion, Claire Checcaglin se fait passer pour une "mariniste" pure et dure. "J’ai dit que Marine avait été le déclic, que je croyais énormément à la dédiabolisation du FN", explique t-elle à Mediapart.

"L’une des forces du Front national : offrir des postes"

Contrairement à la journaliste Anne Tristan, qui, en 1987, avait infiltré le parti d’extrême droite via les quartiers Nord de Marseille, Claire Checcaglini a choisi de s’immerger au sein du FN des Hauts-de-Seine, troisième département frontiste en nombre d'adhésions, comprenant quartiers populaires, comme Genneviliers et quartiers aisés, comme Neuilly-sur-Seine. "Je suis allée rencontrer la frange de la classe moyenne qui vote pour le FN", explique la journaliste à Mediapart.

Dans son livre, Claire Checcaglini montre comment un militant de base peut très vite "monter" au sein de la hiérarchie du parti. "C’est l’une des forces du Front national : offrir des postes, des investitures aux élections à des personnes qui n’auraient pas de telles récompenses ailleurs", constate la journaliste. La fausse militante, qui se montre très disponible, se voit très vite confier des responsabilités, devenant responsable du parti à Neuilly, puis responsable "formations-débats" en Ile-de-France."J'ai pu moi-même initier des réunions, comme celles des formations", raconte t-elle. Le FN va même jusqu’à lui proposer d'être candidate aux législatives à Neuilly-sur-Seine.     

L'islamophobie est le ciment de 99% des militants

En infiltrant le FN, Claire Checcaglini s'était fixé un objectif : aller voir ce qu’il y avait derrière la "dédiabolisation" du Front. Le parti a-il réellement changé depuis que Marine Le Pen en a pris les rênes en janvier 2011 ? Ou s'agit-il d'un trompe-l'œil ? "Marine Le Pen ayant une apparence assez sympathique, je me suis dit qu'elle avait peut-être finalement attiré des personnes avec son discours de 'dédiabolisation'. J'ai au contraire trouvé beaucoup de gens racistes et assumant leur racisme", confie la journaliste à Mediapart. "En réalité, les gens sont au Front national essentiellement parce qu'ils sont contre les musulmans", conclut Claire Checcaglini, assurant que l'islamophobie est le ciment de 99% des militants.  

Le FN et les Arabespar Mediapart

Une islamophobie très répandu au sein des cadres du parti. Claire Checcaglini cite le cas de son responsable hiérarchique, Rémi Carillon, secrétaire départemental du FN dans les Hauts-de-Seine. En mai 2010, sur le site internet de l'hebdomadaire d'extrême droite Les 4 Vérités, Rémi Carillon explique le plus sérieusement du monde comment se débarrasser des musulmans de France. Après avoir préconisé une première méthode qualifiée de "douce" qui consiste "à revenir en arrière sur tous les "accommodements raisonnables concédés aux musulmans", Rémi Carillon, candidat aux législatives dans les Hauts-de-Seine, n'hésite pas à parler de "manière forte", avec l'expulsion des musulmans de France vers leurs pays d’origine, quitte à provoquer une guerre civile". Or, comme le révélait Thierry Guerrier dans son buzz politique, ces propos sont toujours en ligne sur le site les4verites.com.

Les thèmes économiques et sociaux, comme la sortie de l'euro, mis en avant depuis plusieurs mois par Marine Le Pen sont finalement peu évoqués par les militants, explique Claire Checcaglini. "Parler de souveraineté, ce n'est pas tout à fait aussi facile que de dire 'j'en ai marre de ces Ben-merguez'".