Hollande a-t-il "donné les clés" du pouvoir au Medef ?

Pierre Gattaz, a confié mardi ressentir "un point d'inquiétude, voire de forte inquiétude" au sujet du "pacte de responsabilité" promis par François Hollande.
Pierre Gattaz, a confié mardi ressentir "un point d'inquiétude, voire de forte inquiétude" au sujet du "pacte de responsabilité" promis par François Hollande. © Reuters
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C'EST QUI LE PATRON - Après la présentation du "pacte de responsabilité", de nombreuses voix accusent l'exécutif de tout céder au patronat. À raison ?

Qui a "les clés" ? Le Medef n'est pas encore rassuré. Son président, Pierre Gattaz, a confié mardi ressentir "un point d'inquiétude, voire de forte inquiétude" au sujet du "pacte de responsabilité" promis par François Hollande. "Cela reste complètement flou sur la fiscalité et la baisse des charges et des taxes sur les entreprises", a regretté devant la presse le patron des patrons. Pourtant, de l'avis de certains, Pierre Gattaz n'a pas de souci à se faire. Pour plusieurs syndicats et la gauche de la gauche, le Medef est même le principal conseiller de l'Elysée. Le chef de l’Etat "a donné les clés du camion au patronat et nous demande de monter dans la remorque", dénonce par exemple Jean-Claude Mailly, patron de FO, mardi dans Les Echos.

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Le pacte au cœur de la discorde. Ce qui fâche la gauche et les syndicats ces derniers jours, c'est le désormais célèbre "pacte de responsabilité". La mesure a été évoquée par Hollande lors des vœux présidentiels pour la nouvelle année, réaffirmée lors de son entretien face à la presse, puis précisée mardi lors des vœux devant les acteurs économiques du pays. Le principe : accorder aux entreprises une baisse de charges de 30 milliards d'euros, en échange de créations d'emplois de qualité et de relocalisations. Ce pacte "est inspiré, je ne le dis pas trop fort, du pacte de confiance que nous lui avons apporté sur un plateau", s'est explicitement réjoui Pierre Gattaz vendredi dernier. "Enfin", a également réagi sa prédécesseur, Laurence Parisot, dans un tweet.

Gattaz, "Premier ministre". Problème : le flou entourant les contreparties à ce pacte est encore épais. Et cela a fait lever pléthore de boucliers. "François Hollande répond presque exclusivement aux revendications du Medef. On a le sentiment que le Premier ministre, c'est Pierre Gattaz!", s'est ainsi indigné lundi le patron de la CGT Thierry Le Paon, dans LeMonde. "On est sévère parce que c'est la première fois dans notre histoire qu'un président de gauche touche au socle du financement de la protection sociale", s'est expliqué le leader syndical. "François Hollande n'a qu'un seul partenaire, le Medef", a renchéri mardi le PCF dans un communiqué.  "Le Hollandisme, c'est prendre aux pauvres pour donner au Medef", twittait déjà l'ONG altermondialiste Attac, le 15 janvier dernier.

Et ces opposants au pacte n'ont pas tout à fait tort. En promettant de financer l'aide aux entreprises par une baisse des dépenses publiques, et en l'accompagnant d'une hausse de la TVA entrée en vigueur en janvier dernier, François Hollande pioche dans le programme même du Medef. Ce dernier prône en effet "des économies sur la dépense publique" afin de financer la baisse de "la pression fiscale de toutes les entreprises". Le tout accompagné d'une "hausse raisonnable de la TVA", comme l'avait demandé Pierre Gattaz sur Europe1, en novembre.

Des relations "polluées"… Mais en réalité, les relations entre le pouvoir et le patronat étaient au plus bas avant ce "pacte". La taxe à 75%, la réforme de l'apprentissage (qualifiée par Gattaz "d'erreur historique" fin décembre) ou encore la loi Hamon sont autant de mesures qui ont récemment irrité le Medef. "Ce n'est pas le Medef qui fait la loi", avait d'ailleurs argué cet automne  le ministre de la Consommation, pour défendre une mesure prévoyant d'informer les salariés à l'avance lors d'une cessation d'entreprise.

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Et il faut ajouter à cela la réforme des retraites. C'est elle qui a le plus compliqué les relations entre l'exécutif et les patrons. Le Medef n'avait déjà guère apprécié la décision d'accorder la possibilité de partir à la retraite à 60 ans à ceux qui ont commencé à travailler tôt. Quant à la dernière réforme, Pierre Gattaz l'a jugé "inacceptable", au motif qu'elle ne va pas assez loin et qu'elle s'accompagne d'une hausse des cotisations. "L’épisode des retraites avait pollué toute leur relation. Il n’y avait plus aucune confiance", résumait ainsi un cadre de l'organisation patronale, cité fin décembre par Les Echos.

… Mais qui se "normalisent".  Et le prochain motif d'irritation est prévisible : - François Hollande promet des "contrôles dans les entreprises", pour s'assurer que les contreparties du pacte seront respectées. Toutefois, si les patrons n'ont pas encore les clés de l'Elysée, les tensions se sont clairement apaisées. L'exécutif a garanti que les grandes mesures favorables aux entreprises (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, crédit d'impôt recherche, etc.) ne seraient jamais remises en question. Récemment, le "pacte d'avenir" promis à la Bretagne a également reçu les faveurs du syndicat patronal.

Bandeau Hollande Gattaz

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Résultat, comme le résume ici Les Echos : dans ses déplacements en province ou dans les médias, Pierre Gattaz a drastiquement réduit ses critiques envers François Hollande. Conclusion d'un conseiller du gouvernement cité par le quotidien économique : "les relations sont en train de se normaliser. Chacun est dans son rôle, tout en sachant qu’il ne faut pas aller trop loin".

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