Hollande/Sarkozy : nés pour gouverner

Dès leurs premières années de militantisme, ils ont clairement affiché leurs intentions d'être président.
Dès leurs premières années de militantisme, ils ont clairement affiché leurs intentions d'être président. © Capture INA
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Charles Carrasco , modifié à
Les deux hommes ont su très tôt qu'ils auraient un destin exceptionnel. Les bonnes feuilles d'un livre.

Six présidents différents au cours de la Ve République et peut-être un septième en 2012. Leur point commun : "c’est l’ambition mais elle ne s’est pas manifestée ni au même âge, ni de la même manière, ni pour les mêmes raisons". Dans un livre rempli d’anecdotes intitulé Je serai président*, Robert Schneider raconte comment la vocation des chefs d’Etat est née. Europe1.fr vous livre les bonnes feuilles qui concernent les deux prétendants les mieux placés pour l’emporter en 2012 : François Hollande, le candidat du PS et Nicolas Sarkozy, le probable candidat de l’UMP.

>> L’enfance : un contexte familial déterminant

"Entre ces deux-là, il y a plus de points communs qu’on ne le croit. Question de génération, dira-t-on : enfants de la seconde moitié du 20e siècle, ils ont pratiquement le même âge". Nicolas Sarkozy est né à Paris le 28 janvier 1955. François Hollande quelques mois avant, le 12 août 1954 à Rouen. "Tous deux ont grandi dans un climat familial pesant où l’influence de la mère a été primordiale."

François Hollande. "Comme de Gaulle ou Mitterrand, François Hollande a été élevé dans un établissement religieux, Saint-Jean-Baptiste de La Salle à Rouen. De la maternelle à la troisième, il vit aussi au rythme des rites, des messes, des prières. Mais contrairement à eux, cette éducation ne le marquera pas. C’est qu’il n’a pas baigné en famille dans un climat de dévotion. Son père, Georges, est certes catholique, mais c’est un drôle de paroissien, militant d’extrême-droite. Sa mère, dont l’influence sera déterminante, n’est pas pratiquante. Georges Hollande ne cache ni sa nostalgie de Pétain, ni sa sympathie pour l’OAS (armée favorable à l’Algérie française), ni son aversion pour De Gaulle, les communistes et Mitterrand." Son père sera d’ailleurs candidat sur une liste d’extrême droite aux élections municipales de Rouen en 1959 et 1965 et soutiendra Jean-Louis Tixier-Vignancour à la présidentielle française de 1965.

"Il (son père) n’admet pas que ses fils contestent ses idées et son autorité. Philippe, le frère de François, de deux ans son aîné, lui tient tête : il se retrouve en pension chez les jésuites. François, lui, évite de provoquer la colère paternelle. Il ne discute pas, ne se révolte pas, fait déjà preuve de cette exceptionnelle habileté à esquiver les coups qu’on lui connaîtra plus tard en politique."

Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy est né de l’union de Pal Sarkozy de Nagy-Bosca, un immigré hongrois et d’Andrée Mallah, d’origine française et grecque séfarade. De cette union, ils ont eu trois garçons, dont Nicolas Sarkozy. Son père divorcera et se remariera trois fois. C’est son grand-père qui a joué un rôle moteur dans son ambition politique.

"De Gaulle, Mitterrand ou Giscard ont eu très tôt conscience d’un destin, Sarkozy, lui se sent attiré par le métier politique. Qu’y a-t-il à l’origine de ce qu’il appelle une vocation ? Deux hommes, dit-il : de Gaulle et Benedict, son grand-père, qui vouait un véritable culte au général. Toute mon enfance, juché sur ses épaules, je ne me suis jamais lassé de regarder, fasciné et ému, les défilés du 11 novembre et du 14 juillet... Et surtout, venu de cette enfance, le besoin de s’affirmer, d’affronter, de gagner. Bref, de prendre sa revanche, lui le petit chose, le fils de divorcés, le pauvre chez les riches, l’invité des bouts de tables…"

>> L’ambition : tous les deux voulaient être président

"Adolescents, ils se ressemblent. Petits, rondouillards, pas franchement séduisants, ils ne s’aiment pas physiquement. Tous deux sont des fans de football qu’ils pratiquent. Supporters du PSG, ils fréquentent le parc des princes, lisent L’Equipe et France Football (…) Tous deux, cheveux longs et bouclés se sont sans doute croisés à la sortie du lycée de filles de Neuilly, le lycée Saint-James." En 1968, la famille de François Hollande quitte Rouen et s’installe à Neuilly-sur-Seine. Le jeune François fera ses classes au lycée Pasteur. Nicolas Sarkozy habite aussi Neuilly mais est scolarisé dans le 8e arrondissement de Paris. Quelques années après, il intégrera l’université Paris X de Nanterre pour faire des études de droit.

François Hollande. "La famille emménage à Neuilly, en bordure du bois de Boulogne. François intègre la classe de seconde au lycée Pasteur. Le petit Normand n’est pas complexé comme le petit Sarkozy. Il s’adapte vite, se fait de nouveaux amis (…). François adore sa mère. Il se demande alors, il se demandera longtemps, comment elle a pu supporter un tel mari. Car tous les sépare. Même la politique : assistante sociale, Nicole Hollande a le cœur à gauche et admire Mitterrand. François prend son parti. (…) Parce qu’il est gai, rieur, pas stressé, Hollande, bon élève, habitué comme Pompidou des premières places  et des prix d’excellence, il passe lui aussi pour un dilettante surdoué. Mais il n’est ni l’un, ni l’autre. Il ne possède pas les mêmes facilités et, pour s’imposer doit travailler. Il obtient son bac avec la mention assez bien, comme Chirac (…) Sa mère et le père de son meilleur ami d’enfance l’ont entendu affirmer à 15 ans : je serai président."

Nicolas Sarkozy. "Il a toujours voulu être président. Du plus loin que remonte sa mémoire, il en a rêvé. Bien avant de se raser. A l’âge où les petits garçons veulent être pompier ou footballeur. En 1974, en pleine campagne présidentielle, le militant RPR de 19 ans annonce à ses amis : si je fais de la politique, c’est pour monter très haut. La même année, il glisse à ses copains de la fac de Nanterre : un jour je serai président de la République.

>> L’engagement politique : les deux aiment parler en public

François Hollande. "Adolescents, Pompidou, Giscard et Mitterrand, encore timides, hésitaient à prendre la parole en public. Hollande, lui, adore cela. Ses camarades admirent son aisance, son humour, sa facilité à argumenter et à convaincre. Il paraît né pour représenter les autres." François Hollande entre à la faculté de droit de Paris où il obtient sa licence puis à la Haute école de commerce (HEC) et l’Institut d’études politiques de Paris où il milite pour le syndicat Unef. Il sortira 7e de sa promotion Voltaire à l’Ecole nationale d'administration (ENA).

"Dès l’automne 1980, alors que Mitterrand n’est pas encore candidat et que la grande majorité des intellectuels et de la presse continuent de lui préférer Rocard, Hollande intègre avec Ségolène Royal, devenue sa compagne, la petite équipe qui, autour de Jacques Attali, prépare la campagne du leader socialiste. Après la victoire de 1981, il devient conseiller officieux à l’Elysée et ne craint pas d’aller en Corrèze affronter Chirac aux législatives. Il a 26 ans, il vient d’entrer en politique. Il n’en sortira plus,  à l’image de Sarkozy".

François Hollande, le 5 février 1986. Il est conseiller municipal d'Ussel et se présente en 2e position sur la liste aux législatives :

Nicolas Sarkozy. "Un samedi de mars 1975, Nicolas Sarkozy pousse la porte de la permanence de l’UDR (Union des démocrates pour la République), installée dans un ancien bistrot de la ruelle peu fréquentée de Neuilly. Il a 19 ans. Le local est quasiment désert. Le secrétaire de section et un militant l’accueillent, visiblement étonnés qu’il se présente ainsi spontanément. Quelques jours plus tard, le 2 avril, Georges Pompidou meurt. Sarkozy, le nouvel adhérent, se lance dans la campagne. C’est lui qui, à Neuilly, colle le plus d’affiches, distribue le plus de tracts pour Jacques Chaban-Delmas, le candidat du mouvement (…) A l’UDR, il se rend vite indispensable. Le local est sale : il le nettoie. La peinture du mur s’écaille : il les repeint. Déjà ce trop plein d’énergie, ce besoin d’activité, cette propension à tout faire lui-même".

Nicolas Sarkozy, le 21 mai 1975. Il est jeune militant UDR. Lancé par Robert Grossmann, il explique pourquoi il milite :

En  juin 1975, il participe au grand congrès de Nice de juin en tant délégué départemental des jeunes UDR et fait son premier grand discours devant 25.000 personnes. "Alors il fait gros : j’ai la tête dans les étoiles, vous êtes devant moi (les dirigeants du parti), vous êtes mes idoles. Je suis jeune, mais comme vous, je suis gaulliste, car je sais qu’être gaulliste, c’est être révolutionnaire. Succès garanti ! Déjà ce culot monstre, ce sens de la formule qui ne s’embarrasse pas ni des nuances, ni de subtilité. On l’ovationne. Il confiera : j’ai entendu des applaudissements qui interrompaient mon discours. J’étais ébloui par les lumières, je ressentais comme une forme d’ivresse. Pour un peu, je ne serais plus descendu de la tribune".

>> Leurs caractères : l’un équilibré, l’autre nerveux

"Leur vie se résume à la politique ou presque. Ils sont entrés le même jour à l’Assemblée nationale, en 1988, ont grandi dans le sillage d’un leader devenu président, avant de prendre la tête de leur parti". François Hollande devient premier secrétaire du parti socialiste en 1997. Nicolas Sarkozy obtient le poste de secrétaire général du RPR en 1998.

"Ce qui les oppose, ce n’est pas seulement la politique. C’est aussi leur caractère, leur psychologie, leur comportement. Ils ne se sont pas construits de la même manière. Hollande, l’enfant calme, équilibré, a donné naissance à l’homme de synthèse en empathie naturelle avec son interlocuteur. Sarkozy, l’enfant nerveux, teigneux, bagarreur, à l’homme de rupture qui recherche le conflit. L’un est pédagogue, l’autre péremptoire. L’un est toujours prêt au compromis, l’autre à l’affrontement. L'un est respectueux des usages, l’autre s’en moque. Face à l’événement l’un fait appel à la raison, l’autre à l’émotion. L’un prend son temps pour décider, au risque d’apparaître indécis. L’autre réagit vite, souvent sans mesurer les conséquences de ses décisions."

* Je serai président. Enfance et jeunesse des six chefs d'Etat de la Ve République, Robert Schneider, Perrin, 312 p., 21 euros.