Fillon, rabatteur discret de Sarkozy

François Fillon pourrait être beaucoup plus présent dans les médias entre les deux tours, quand il s'agira de reconquérir l'électorat centriste.
François Fillon pourrait être beaucoup plus présent dans les médias entre les deux tours, quand il s'agira de reconquérir l'électorat centriste.
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Le Premier ministre, populaire, est peu présent dans les médias. Mais il occupe le terrain.

Dans les médias, ses prises de parole sont rares. François Fillon, bien que Premier ministre, n’est pas en première ligne dans la campagne de Nicolas Sarkozy. Sa fonction, mais aussi sa popularité, pourraient pourtant en faire l’une des pièces maîtresses en vue de la réélection du chef de l’Etat sortant. Avec 56% d’opinions favorables, dans le dernier tableau de bord Ifop pour Paris Match datant du 20 mars, le locataire de Matignon devance en effet largement celui de l’Elysée, cantonné à 41% d’opinions favorables. Mais loin des projecteurs des plateaux télé, le locataire de Matignon œuvre discrètement et se contente de tenir des réunions de soutien au président sortant dans toute la France.

"Ils se voient tous les jours, avec d’autres, pour se répartir la tâche", confie à Europe1.fr Philippe Goujon, maire du15e arrondissement de Paris et proche de François Fillon.

Ce rôle de l’ombre correspond à plusieurs logiques, dont la principale a trait à la nature du scrutin présidentiel. "Nous sommes dans une présidentielle, donc une élection au cours de laquelle se construit un rapport vertical entre les grands candidats et le pays. Sans intermédiaire", rappelle Stéphane Rozès, président de CAP (Conseil, analyses et perspectives). "Il est donc bien normal que le Premier ministre ne fasse pas écran entre le candidat et le pays", estime le politologue, joint par Europe1.fr.

"Totalement mobilisé"

N’empêche. Cette discrétion de François Fillon ne plaît pas à tout le monde. Au début du mois de mars, Le Figaro faisait état d’un certain malaise à l’UMP. "On ne le sent pas à 100% dans la dynamique. Jean-François Copé, lui, fait quatre meetings par semaine. Pour Fillon, cette élection sonne le glas de Matignon", glissait un ténor du parti. Or, depuis, la donne n’a pas vraiment changé. Le Premier ministre reste en retrait, du moins médiatiquement. "Il est totalement mobilisé sur la campagne présidentielle", jure pourtant Philippe Goujon, qui conteste : "il fait des meetings tous les soirs".

Certains lui reprochaient aussi à mots couverts de se préparer à la défaite du candidat de l’UMP. "Certains jouent la défaite", avait même glissé Jean-François Copé au Figaro, dans une allusion directe. "Qui peut jouer la défaite ? S’il y a défaite, tout sera emporté", s’insurge Philippe Goujon. "Ce n’est pas du tout son idée. Tout le monde à Matignon est tendu vers la victoire, et François Fillon est convaincu que Nicolas Sarkozy va gagner", jure l’élu.

"Cette accusation n’a pas lieu d’être contre François Fillon, plus que contre un autre responsable politique, car tous préparent la suite", sourit de son côté Stéphane Rozès. "François Fillon fait ce qu’il a à faire sur le moment, mais évidemment qu’il pense à la suite. En cas de victoire, comme en cas de défaite", assure le politologue.

Plus présent dans l’entre-deux-tours

Surtout, ce rôle de l’ombre a été défini en accord avec Nicolas Sarkozy. Les différents soutiens qui sillonnent les plateaux de télévision et de radio, tel Jean-François Copé, de loin le plus présent, ont un autre rôle. "La fonction du chef de l’UMP, et d’autres, n’est pas celle d’un écran ou de relais, c’est une fonction critique, y compris assez agressive, de l’adversaire socialiste", poursuit Stéphane Rozés. "François Fillon est dans un registre qui est beaucoup plus discret, qui correspond à son tempérament et à son positionnement idéologique", juge-t-il.

Car sur le fond, François Fillon n’est pas forcément en adéquation avec la ligne très à droite adoptée par Nicolas Sarkozy. "Idéologiquement, le Premier ministre est dans une droite humaniste, plutôt de dialogue et d’écoute. Alors que clairement, la stratégie de Nicolas Sarkozy est de flirter avec les thématiques du Front national", confirme Stéphane Rozès, qui pronostique : "François Fillon sera sans doute plus présent entre les deux tours, où il s’agira de convaincre  l’électorat centriste, très rétif à l’égard de la façon de faire et d’être de Sarkozy durant le quinquennat. C’est un moment où on le verra plus nettement, comme Jean-Louis Borloo et Jean-François Copé."

 Le temps de François Fillon n’est donc pas encore venu. "Accessoirement, il est quand même encore Premier ministre, il gouverne aussi", rappelle par ailleurs Philippe Goujon. "Par exemple, il a dû aller à Séoul lundi et mardi en visite officielle, à la demande de Nicolas Sarkozy", cite le maire du 15e arrondissement. "Sa situation institutionnelle appelle une certaine discrétion", conclut Stéphane Rozès.