Fillon-Copé, les mots pour le dire

Jean-François Copé officiellement candidat, la bataille avec François Fillon s'engage.
Jean-François Copé officiellement candidat, la bataille avec François Fillon s'engage. © MAXPPP
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Entre les deux rivaux pour la tête de l'UMP, les attaques ne sont pas frontales. Extraits. 

"Comme beaucoup, j'ai regretté certaines petites phrases médiocres venues de quelques amis de François". La saillie est signée Jean-François Copé, dans une interview au Figaro Magazine à paraître samedi. Dans sa ligne de mire, le camp "Fillon", qui selon l'actuel patron de l'UMP, candidat à sa propre succession depuis dimanche dernier, se montre peut-être plus "agressif" à son encontre qu'à l'égard des socialistes.

La garde rapprochée de l'ex-Premier ministre n'épargne pas, il est vrai, le secrétaire général de l'UMP. L'ex-ministre Laurent Wauquiez regrette ainsi la candidature de Jean-François Copé, y voyant "un choix de division". Son ancienne collègue au gouvernement, Valérie Pécresse, souligne, elle, que "les militants ne veulent pas une pâle copie de Sarkozy".

Face à ce flot de critiques, le clan "Copé" n'est cependant pas en reste. Depuis les prises de distance de l'ex-Premier ministre avec Nicolas Sarkozy dans une interview au Point la semaine dernière, les pro-Copé tirent à boulets rouges sur François Fillon, dénonçant son manque de "droiture".

Si leurs soldats sont en première ligne pour faire le "sale boulot", n'allez pas croire que les intéressés eux-mêmes aient choisi de battre en retraite. Pas avares en petites piques, François Fillon et Jean-François Copé prennent simplement le soin de ne pas se nommer directement. Lorsqu'ils font feu l'un sur l'autre, les deux poids lourds de l'UMP préfèrent peser les mots pour le dire.

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"Droite décomplexée", "Hollande de droite"…

En la matière, Jean-François Copé semble avoir trouvé le créneau pour décrédibiliser son rival : le faire passer pour le tenant de la "droite molle" et coller au maximum à Nicolas Sarkozy. Mercredi, devant des militants bretons le député-maire de Meaux, partisan d'une "droite décomplexée", dit vouloir "s'inscrire résolument dans le chemin tracé par Nicolas Sarkozy". Une façon de dénoncer les récentes déclarations de François Fillon sur le style Sarkozy. Lorsque dans une interview au Point, l'ex-Premier ministre dépeint le fillonisme comme "une approche plus sereine et pragmatique des choses" que le sarkozysme, Jean-François Copé réplique sec : "la dimension d'un homme d'Etat ne se mesure pas à sa prudence mais au contraire à son audace, son courage". En se déclarant officiellement candidat dimanche dernier, le secrétaire général de l'UMP réserve d'ailleurs sa "première pensée" à l'ancien chef de l'Etat, et prévient que tous ceux qui s'en prendront à son action le "trouveront sur leur route". François Fillon est averti.

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Un moyen aussi de marquer des points auprès des militants, toujours nostalgiques de l'ex-président. Quitte à s'inspirer de la patronne du PS, qui il y a un an, en pleine primaire socialiste Martine Aubry raillait la "gauche molle" incarnée selon elle par François Hollande. Jean-François applique aujourd'hui  la même recette. En 2017, "est-ce qu'ils voudront un Hollande de droite ? Ça m'étonnerait !", ironise-t-il mercredi en Bretagne, pour expliquer son refus de faire du congrès de l'UMP une primaire avant l'heure. Ce que François Fillon appelle chèrement de ses vœux.

Dans son entretien au Figaro Mag, le patron de l'UMP en remet en couche. Le futur président de l'UMP doit incarner une opposition "tonique", être "l'opposant numéro un à François Hollande" et assumer la ligne d'une "droite décomplexée", explique-t-il. "Il est hors de question de me priver d'écouter les Français qui en ont ras-le-bol et de m'interdire certains débats. Tout comme il est hors de (…) que j'appelle à voter pour un Parti socialiste qui s'allie sans scrupules à une extrême gauche qui n'a rien à envier à l'extrême droite". Une pichenette à peine masquée au Sarthois qui n'a jamais été un fervent partisan du ni-ni.

Face aux différents sondages (auprès des sympathisants UMP) qui plébiscitent François Fillon dans la course à l'UMP, dimanche, Jean-François Copé égratigne au passage ceux qui donnent "le sentiment de considérer qu'un sondage vaut résultat électoral". Une allusion  aux élans d'optimisme – "je ne pense pas perdre" - affichés cet été par François Fillon. Dimanche dernier, Jean-François Copé lui livre une leçon de sagesse. "Je suis joueur d'échecs. Je sais qu'il ne faut jamais sous-estimer ses adversaires !", prévient-il. Dans cette même interview, le "boss" de l'UMP assure aussi vouloir créer les conditions d'une "vague bleue" aux municipales de 2014 en regagnant "ville par ville" à la gauche. Une façon de rappeler que le nouveau député de Paris n'a pris aucun risque en juin dernier en se présentant dans une circonscription largement acquise à la droite. Dimanche dernier, Jean-François Copé n'avait-il d'ailleurs pas déjà rendu hommage à sa ville de Meaux "loin des beaux quartiers parisiens et pas vraiment une terre acquise électoralement à la droite" ?

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"Ceux qui font ça, ils ne m'impressionnent pas"

Face à ces prises de karaté verbales, on aurait pu croire l'ancien homme fort de Matignon au tapis. Mais François Fillon n'est pas homme à se laisser faire. Premier recours : l'humour. Dimanche dernier, alors que Jean-François Copé se déclare candidat dans les Bouches-du-Rhône, François Fillon s'adonne ainsi à une démonstration de force lors d'un rassemblement dans la Sarthe. Arrivé sur ses deux béquilles - conséquence d'une fracture à la cheville gauche lors d'un accident de scooter sur l'île de Capri - François Fillon ironise : "ma jambe droite n'a jamais été aussi forte". Un trait d'humour adressé à ceux qui le verraient pencher vers le centre.

Deuxième message à ceux qui l'accusent, Jean-François Copé en tête, de prendre ses distances avec Nicolas Sarkozy. "Ceux qui font ça, ils ne m'impressionnent pas (...) ça fait cinq ans que tous les matins ils se réveillent en se disant qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire pour mettre un coin entre François Fillon et Nicolas Sarkozy", tance l'ancien Premier ministre.

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Puis,  pour séduire les militants de l'UMP qui éliront en novembre leur président, François Fillon promet "un parti plus démocratique", avec des "référendums internes sur les grands choix" du mouvement. Une critique à peine déguisée des deux ans de présidence "Copé" à l'UMP, que Laurent Wauquiez a résumés autrement lundi dans Le Monde. "Avec lui, c'est 'marche ou crève'. Il nous a tous mis un jour un pistolet sur la tempe en nous disant : 'soit tu es avec moi, soit je te coule dans le béton'."

Enfin, à ceux qui trouvent  que  son slogan de sa campagne  - "Ensemble, soyons les militants de la France"- ressemble trop à celui de Nicolas Sarkozy pendant la présidentielle – "Ensemble tout devient possible" – François Fillon répond dans des propos rapportés par le Figaro de jeudi : "justement, j'ai adoré cette campagne ! Je vous rappelle d'ailleurs que j'en ai été l'un des principaux artisans !". Comme pour rappeler le manque d'implication de Jean-François Copé dans la dernière campagne présidentielle ?