Ces micro-partis qui roulent pour Sarkozy

Outre l’UMP, l’ancien président peut compter sur le soutien de ses Amis, qui se sont réunis à Arcachon. Et pas seulement.
Outre l’UMP, l’ancien président peut compter sur le soutien de ses Amis, qui se sont réunis à Arcachon. Et pas seulement. © Reuters
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ENQUÊTE - Outre l’UMP, l’ancien président peut compter sur le soutien de ses Amis, qui se sont réunis à Arcachon. Et pas seulement.

En politique, l’argent est le nerf de la guerre. Nicolas Sarkozy le sait mieux que quiconque, lui qui a dépensé sans compter lors de sa campagne électorale de 2012, au point de plonger son parti dans la panade financière. Alors dans l’optique d’un hypothétique retour en politique en vue de l’élection présidentielle de 2017, l’ancien président s’organise. L’UMP, en proie à de graves difficultés financières, ne lui suffit plus. Une UMP qui n'a même pas pu organiser sa traditionnelle université d’été. Trop cher. Alors ses Amis ont pris la relève. Des Amis ambitieux. A Arcachon, où ils se sont réunis dimanche et lundi, Nadine Morano, trésorière, a annoncé un objectif de "50.000 adhérents fin 2013". Des adhérents, donc de l'argent.

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Nous sommes le 30 mai 2012. Trois semaines plus tôt, Nicolas Sarkozy s’est incliné au second tour de l’élection présidentielle face à François Hollande. Ses fidèles, eux, pensent déjà à demain. L’association des Amis de Nicolas Sarkozy est née. Dans un restaurant du 15e arrondissement de Paris, l'Antre Amis - ça ne s’invente pas -, les orphelins du sarkozysme sont tous là : Brice Hortefeux, le plus fidèle d’entre eux,  sera président, Christian Estrosi secrétaire général, Nadine Morano trésorière, Nora Berra, Maurice Leroy, Pierre Charon, Claude Guéant et Christine Boutin vice-présidents.

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Une écurie présidentielle censée préparer le retour du champion déchu ? "C'est une démarche affective, amicale, de fidélité à Nicolas Sarkozy", et en aucun cas une initiative "politique ni politicienne", assurait à l’époque Brice Hortefeux. "Notre pays aura besoin de lui, nous en sommes convaincus", renchérissait Eric Ciotti, passé depuis au fillonisme. Les choses ont bien changé. Un rassemblement à Nice l'été dernier, un autre en septembre prochain, et en colloque en milieu d'année ont démontré, si besoin était, que l'association a bien des ambitions politiques autres qu'un simple soutien amical . N’en déplaise à l’ancien ministre de l’Intérieur, l’association des Amis de Nicolas Sarkozy, "c’est bien un parti politique", confirme à Europe1.fr la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui rappelle que toute association reconnue par elle, avec un mandataire financier et soumise à la transparence financière se voit définir ainsi. Un parti politique pour faire vivre le sarkozysme sans Sarkozy. En attendant…

Trois partis, mais peu d’argent

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© Reuters

Pour préparer l’atterrissage de leur champion, les bases de lancements sont multiples. Les Amis de Nicolas Sarkozy n’est en effet pas la seule structure derrière l’ancien président. Deux autres micro-partis* sont chargés de récolter des fonds : l'Association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy et l’Association nationale des amis de Sarkozy.

Le 30 juin 2013, comme tous les partis politiques, ces trois structures devaient rendre leurs comptes à la commission. Europe1.fr a mis son nez dedans. Il en ressort que l’association présidée par Brice Hortefeux - dont le siège social est situé à l’UMP, au 238 rue de Vaugirard -,  sert essentiellement à la communication, avec 126.150 euros dépensés en un an, ce qui engendre une perte de 64.000 euros sur l’année écoulée.

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A quoi cela correspond-t-il ? "Cela ne vous regarde pas", se marre Brice Hortefeux, contacté mercredi par Europe1.fr, avant d’assurer que ces frais ont été engloutis par "nos deux réunions, à Nice l’été dernier, et à la Maison de la Chimie mi-février, ainsi que la mise en ligne du site internet". Et l’ancien ministre de l’Intérieur d'assurer que son parti "ne reçoit pas de subvention" et qu’il vit donc "exclusivement des dons".

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La méconnue Association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy est quant à elle domiciliée au 77 rue de Miromesnil, soit les bureaux occupés par… Nicolas Sarkozy lui-même. Un parti politique en forme de petit cochon : 100.000 euros sont placés, et 69.000 euros à disposition sur le compte courant. Les dons ? Il n’y en a pas. "Je suis le président de ce parti créé il y a une quinzaine d’années, mais c’est un peu une coquille vide pour le moment", admet Brice Hortefeux, qui n’exclut toutefois pas un "réveil".

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Le rôle de l’Association nationale des amis de Sarkozy est plus flou. Ce parti politique, dont la proximité sémantique avec celui présidé par Brice Hortefeux prête à sourire - "absolument, nous sommes d’ailleurs en discussion pour fusionner", confie ce dernier -, n’a que 9.500 euros en banque. A son débit, on trouve essentiellement des dépenses de fournisseurs, à hauteur de 8.000 euros, sans que l’on sache précisément à quoi cela correspond. "Y a quoi comme budget ?" nous a même demandé Brice Hortefeux.

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Arcachon, centre de gravité de la sarkozie

Des euros, des euros, peu d'euros, mais pour quoi faire ? Les maigres budgets de ces trois partis politiques n’ont, d'évidence, pas vocation à financer une éventuelle campagne. Trop chère. Tout juste organiser quelques événements autour de l’absent-dont-tout-le-monde-parle. Et donc parler pour lui. De lui.

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Pour sa première édition, les sarko-nostalgiques s’étaient donné rendez-vous l’été dernier, à Nice, chez Christian Estrosi, député-maire de la ville. Cette année, la grand-messe aura lieu à Arcachon, les 1er  et 2 septembre. Mais, Brice Hortefeux l’a promis, ce ne sera pas une rentrée politique mais "un témoignage d’affection, de fidélité et de confiance". "C'est un rendez-vous annuel pour entretenir la flamme", confirmait Christian Estrosi dans le JDD. Et souffler dessus, aussi. Quelque 2.000 personnes sont attendues. "Très ambitieux pour un lundi...", glisse un proche de l'ancien chef de l’Etat à Europe1.fr. Parmi elles, un invité de marque : Alain Juppé a promis de passer une tête.

Nicolas Sarkozy, lui, a appelé en personne le maire d’Arcachon, le fidèle Yves Foulon, après l’avoir reçu dans ses bureaux de la rue Miromesnil, selon les informations recueillies par Europe 1. Signe que, quoiqu’il en dise, l’ancien président, surveille, écoute, et s’intéresse à la manifestation en son honneur. Mais, comme l’année dernière, il ne se déplacera pas. L’heure du retour n’a pas encore (vraiment) sonné.

* >> Pourquoi un micro parti ?

Après de nombreux scandales financiers (affaire Urba, emplois fictifs), le législateur a décidé, en 1990, d’encadrer le financement des partis politiques et d’en confier la surveillance à la CNCCFP, créée pour l’occasion. Une nouvelle loi de 2005 plafonne désormais les dons de personnes physiques à 7.500 euros par an.

Les "micros partis" - "cette définition n’existe pas, cela a été inventé par les journalistes", précise la CNCCFP - ont vu le jour pour contourner cette obligation légale. En 1990, la CNCCFP recensait 28 partis politiques. Depuis, c’est l’inflation. "Il y en avait 318 en décembre 2012, et 402 en juin 2013", assure la commission à Europe1.fr, avant de poser une question, qui comporte en elle la réponse : "est-ce que la législateur pensait vraiment à cela… ?" Chaque parti peut donc, tous les ans, verser son obole au parti grand frère. Et chaque homme politique peut se constituer son petit trésor de guerre. François Fillon en fait de même avec Force républicaine.