Babar, Flanby : ces surnoms qui restent

Le PS s'indigne des "noms d'oiseaux" contre Hollande
Le PS s'indigne des "noms d'oiseaux" contre Hollande © REUTERS
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Hélène Favier , modifié à
Pour durer en politique, les surnoms doivent viser juste et souligner un défaut inratable.

Il y a ceux qui préféraient le Grand Charles et ceux qui aiment toujours se référer à Tonton, qu’ils vénèrent comme un Dieu. "Le petit Nicolas" - qui fut un temps Iznogoud - lui, aimerait mieux compter sur Raffa-rien et Jean-Louis Bordeaux, pour contrecarrer la Mère Emptoire et le Chè en 2012 (*Retrouvez la traduction en bas de l'article).

Les surnoms ont la vie dure en politique. Et sous la Ve République, plus ils sont féroces et acides, plus ils sont tenaces. Une maxime générale que ne pouvait ignorer Luc Chatel quand, dimanche soir sur RTL, il s’est gaiement essayé à une comparaison, associant François Hollande à "Babar, le roi des éléphants" dont les histoires "endorment les enfants".

Comment naissent les surnoms ?

Déjà couronné "Flanby" par les ténors de son camp (le jeu de mot est attribué à Arnaud Montebourg) voilà donc le candidat socialiste pour 2012 affublé de l’image peu dynamique - et pour tout dire bonhomme - de "Babar". Et "moi je préfère Astérix, voyez. Astérix, c'est celui qui est courageux, celui qui est déterminé, celui qui est protecteur, celui qui sait prendre des décisions. Et puis Sarkozy, il gagne toujours en plus", a encore raillé le ministre de l’Education.

Le jeu de mots est ici né dans la bouche d'un adversaire, mais, dans une majorité des cas, il prend racine dans le propre camp du politique visé, voire dans son staff. "Ainsi en 1997, l'équipe de Lionel Jospin l'appelait sans cesse, le grand frisé", rappelle un journaliste d'Europe 1. Dans les couloirs de l'Assemblée ou autres lieux pouvoir, la pratique du sobriquet a également ses joueurs de haut niveau : André Santini, Jean-François Probst, Dominique Bussereau, Pierre Charon sont ainsi réputés pour être de bons clients.

Enfin, les surnoms peuvent aussi naître dans les médias, par un effet de répétition : ainsi Lionel Jospin est devenu "Yoyo au pays des idées", en référence à "Oui oui au pays des jouets" après plusieurs sketchs des Guignols de l'info.

Le rôle politique des surnoms

Les surnoms font rire et animent la classe politique. Mais officiellement peu de politiques disent approuver la méthode. Ainsi l’UMP Valérie Rosso-Debord - qui n’a pourtant pas sa langue dans sa poche - reconnaît n’apprécier que très moyennement la pratique. "Moi, je n’aime pas trop me prêter à cela, m’attaquer aux personnes, quand on peut viser les programmes. Surtout que bon nombre de surnoms s’attaquent au physique des politiques", explique-t-elle à Europe1.fr.

Jean-Louis Borloo également ne goûte guère ce jeu des sobriquets. Pour lui, il ne s'agit là que des "boules puantes", confiait-il en novembre dernier. Il venait alors d’échouer à s’installer à Matignon, et enrageait publiquement contre les insinuations, les surnoms d’"Inspecteur Colombo" ou de "Bordeloo" soulignant sa supposée allure brouillonne - que lui avaient attribué, pendant toute la période de pré-remaniement - par François Fillon à ses proches, qui cherchaient, selon lui, à l’affaiblir. 

Reste que l’art des surnoms peut s’avérer périlleux. "Je me souviens m’être fait insulter par une femme politique UMP, parce que je venais d’évoquer, en 2007, dans une soirée électorale, le match 'Bécassine - Iznogoud'  [Royal - Sarkozy]. Je m’étais alors fait traiter de macho pour avoir utilisé ce sobriquet pour la candidate socialiste", raconte à Europe1.fr François-Bernard Huyghe, chercheur à l’Iris. "Il est vrai que les surnoms donnés aux femmes ne passent pas. Ils sont d’autant plus détestables qu’ils dérapent vite vers le physique", renchérit encore Valérie Rosso-Debord.

Et puis, à ce jeu, il arrive souvent que l’arroseur soit arrosé. Philippe De Villiers peut s’avérer particulièrement acide. Mais à force de bons mots, la machine s’est vite retournée contre lui : l’instigateur du Puy du Fou s’est ainsi vite retrouvé qualifié de "fou du Puy" par ses paires. 

La France, un pays qui valorise l’ironie, la parodie

La pratique du sobriquet peut paraître parfois cruelle. Mais, "au XVIIIe siècle, la rhétorique était encore plus féroce. Les membres de la Cour s’interpellaient pas de vraies vacheries", rappelle François-Bernard Huyghe. A l’époque, les bons mots faisaient et défaisaient des carrières, comme le montre d’ailleurs - très bien - le film Ridicule de Patrice Leconte qui repose sur ce jeu des sobriquets.

Pourquoi certains surnoms durent ?

Mais comment expliquer que certains surnoms restent alors que certains sont oubliés dans la minute ? "Pour durer un surnom doit être bon, que cela soit gratifiant de le répéter à la machine à café", conclut François-Bernard Huyghe.

Pour cela un sobriquet doit rappeler une caractéristique évidente du personnage visé ou qu’il moque son attitude pontifiante. Cela donne "Doudou" pour le très sérieux Edouard Balladur, "Mère Emptoire" pour Martine Aubry, Naboléon pour Bruno Mégret (pique attribuée à Jean-Marie Le Pen), Harry Potter pour François Baroin ou encore le Mickey d’Orsay pour Philippe Douste-Blazy à l’époque où il était ministre des Affaires étrangères. 

*Il y a ceux qui préféraient Charles De Gaulle et ceux qui aiment toujours se référer à François Mitterrand, surnommé Dieu. Nicolas Sarkozy - qui fut un temps appelé Iznogoud - lui, aimerait mieux compter sur Raffarin et Jean-Louis Borloo pour contrecarrer Martine Aubry et Jean-Pierre Chevènement en 2012.