Affaire Cahuzac : une preuve recevable ?

Mediaprt a diffusé un enregistrement censé prouver que Jérôme Cahuzac a bien obtenu un compte en Suisse.
Mediaprt a diffusé un enregistrement censé prouver que Jérôme Cahuzac a bien obtenu un compte en Suisse. © MaxPPP
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Rémi Duchemin, avec Aurélien Fleurot et Martial You , modifié à
Mediapart a diffusé un enregistrement avec la voix, jure-t-il, du ministre. Difficile à exploiter.

Le contexte. Mardi, Mediapart a accusé Jérôme Cahuzac d’avoir possédé jusqu’en 2010 un compte non déclaré en Suisse. Le ministre du Budget a démenti avec force et contre-attaqué sur le plan judiciaire avec une plainte en diffamation.

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Le rebondissement : des enregistrements publiés. Face à la virulence de la réplique de Jérôme Cahuzac, Mediapart a publié dès mercredi soir des extraits et l’intégrale d’un enregistrement audio censé prouver ses dires. On y entend un homme, l’actuel ministre selon Mediapart, confier son embarras quant à l’existence d’un compte UBS. cet enregistrement daterait de 2000. "Ça me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas, l'UBS, c'est quand même pas forcément la plus planquée des banques", peut-on notamment entendre.

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Les certitudes de Mediapart. Pour le site d’informations, aucun doute, il s’agit bien de Jérôme Cahuzac. "On n’a pas le moindre doute sur la voix de Jérôme Cahuzac", a affirmé Fabrice Arfi, l’auteur de l’article, à Europe 1 jeudi matin. "Nous savons évidemment parfaitement qui est le détenteur de l’enregistrement", a-t-il aussi assuré.

Le journaliste revient aussi sur les conditions de l’enregistrement, qui expliquent la mauvaise qualité du son. "C’est un peu, comme l’appellent les Anglais, le ‘pocket call’, le coup de fil dans la poche. C’est arrivé à tout le monde au moins une fois dans sa vie je crois d’appeler quelqu’un sans faire exprès. Sauf que là, la messagerie a enregistré ce qui n’aurait jamais dû être enregistré", insiste Fabrice Arfi.

Les doutes d’un expert. Juridiquement cependant, pas sûr que cet enregistrement soit exploitable. La longueur de l’extrait, plusieurs minutes, semble suffisant pour que des experts puissent, à l’aide d’ordinateurs, tenter de modéliser et comparer les voix. Mais il sera impossible de garantir à 100% le résultat.

"Dans l’état actuel des connaissances, la voix n’est pas un paramètre biologique fiable. Il n’y a pas d’empreinte digitale de la voix", explique l’ingénieur en acoustique Louis-Jean Boë à Europe 1. "Il y a simplement des caractéristiques qui vous permettent de voir que des voix se ressemblent. Mais elles pourraient ressembler à d’autres", insiste ce détracteur des expertises vocales judiciaires.

La réponse du camp Cahuzac. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le ministre avait déjà fait part de sa sérénité. "Aucun des prétendus éléments matériels dont Mediapart croit disposer ne sont convaincants, ne m'impressionnent ni ne peuvent ébranler ma détermination à poursuivre mon action", a écrit Jérôme Cahuzac dans un communiqué.

Dans l'entourage de Jérôme Cahuzac, on se montre dubitatif sur deux points en particulier. Sur le fait qu’un appel par erreur ait pu être enregistré sur une messagerie et conservé plus de 12 ans, d’abord. Sur la qualité de l’enregistrement, ensuite, qui rend impossible une certitude absolue. La défense du ministre aura donc beau jeu de réclamer une expertise. Ce sera un excellent moyen pour Jérôme Cahuzac de montrer sa bonne volonté et sa sérénité, en sachant qu’il n’en sortira probablement rien.