Abattage rituel : les propos de Fillon irritent

Les propos de François Fillon sur l'abattage rituel passent mal.
Les propos de François Fillon sur l'abattage rituel passent mal. © EUROPE 1
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avec Stéphane Place, à Bordeaux, et AFP , modifié à
Le Crif a été le premier à réagir. Des voix discordantes se font depuis entendre dans la majorité.

Le débat sur le halal continue à faire couler beaucoup d'encre. Interrogé lundi matin sur Europe 1 au sujet de la polémique autour de l’étiquetage de la viande halal, François Fillon a suggéré aux juifs et aux musulmans de revenir sur les “traditions ancestrales“ d’abattage rituel des animaux. Le Premier ministre, s'exprimant à titre personnel, a estimé que "les religions devaient réfléchir au maintien de traditions qui n'ont plus grand chose à voir avec l'état aujourd'hui de la science, l'état de la technologie, les problèmes de santé". Des propos qui ont indigné d'abord le Crif avant de lancer une nouvelle polémique au sein de la classe politique.

Ecoutez l'interview de François Fillon :

Le Crif "humilié"

Richard Prasquier, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, s'est ainsi dit “choqué“ par la déclaration “stupéfiante“ de François Fillon. "Nous insistons suffisamment sur la loi de 1905 pour dire qu'un Premier ministre, quand il s'exprime publiquement, même à titre personnel, n'a pas à s'immiscer dans des traditions religieuses", a insisté Richard Prasquier qui a bien l’intention d’écrire à François Fillon pour "lui dire que nous avons été surpris de ses déclarations". "Il y a là quelque chose de désagréable, d'humiliant, et de contraire à notre tradition républicaine", a-t-il ajouté.

Deux mois après le dîner annuel du Crif qui réunissait Nicolas Sarkozy et François Hollande, Richard Pasquier a affiché aussi son profond désaccord avec la proposition du chef de l'Etat d'étiqueter la viande "en fonction de la méthode d'abattage" annoncée samedi. "Il semble que le candidat Sarkozy n'ait pas tout à fait les mêmes positions que le président Sarkozy. Je le constate", a-t-il mis en garde. "Cette mesure aurait des conséquences négatives essentiellement sur la communauté juive", a prévenu le président du Crif.

Des voix discordantes dans la majorité

A l'UMP aussi, ces propos font grincer des dents. La secrétaire nationale Salima Saa, étoile montante du parti majoritaire, s'est déclarée "attristée de voir s'étaler des jugements négatifs et dévalorisants sur les musulmans de France". "Au nom de quoi parle-t-on de pratiques ancestrales ? Où est le respect de la foi, des pratiques et des individus ? (...) De tels propos n'ont pas de place dans le débat", écrit-elle dans un communiqué.

"Rappelons que 6 millions de Français sont musulmans, et que ces pratiques sont partagées par les Français de confession juive. Ce genre de provocations doit s'arrêter. Il faut mettre fin aux discours de préjugés et de stigmatisation", écrit encore Salima Saa. "Je souhaite que la campagne présidentielle se recentre sur les sujets qui importent aux Français : le logement, l'éducation, l'emploi", conclut-elle.

"Le 'choc des civilisations' n'est pas ma tasse de thé"

Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a pour sa part pris ses distances avec le sujet. "J'ai déjà dit que le 'choc des civilisations' n'était pas ma tasse de thé. Je pense que le problème de la viande halal est un faux problème en réalité, qu'il y a d'autres vraies questions qu'il faut se poser", a déclaré le maire de Bordeaux.

L'ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, a pour sa part estimé, mardi sur Europe 1, que François Fillon "aurait mieux fait de se taire". Le candidat à la présidentielle a par ailleurs jugé la polémique "lamentable". "Et il faut voir avec quelle délectation les uns et les autres s'emparent de ce sujet, qu'il faudrait traiter sereinement. Il a une dimension religieuse, économique, commerciale. Ne traitons pas ce sujet à la légère, à la volée", a-t-il conseillé.

Rachida Dati en conflit avec François Fillon pour les législatives à Paris, a accusé mardi le Premier ministre d'être "obsédé par son avenir personnel" et fustigé ses propos sur les traditions religieuses "ancestrales", jugeant qu'il "mélange tout". "Il s'immisce dans les pratiques religieuses, il sort de son rôle", a-t-elle jugé.