Rwanda: après avoir divisé, la radio réconcilie

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MEDIA – Une ONG a lancé, il y a dix ans, un programme radiophonique qui aide le pays, très marqué par le génocide, à se reconstruire.  

Au Rwanda, la radio occupe une place prépondérante. Elle est le média de masse du pays, même si la télévision et Internet commencent à s’y installer. Ainsi, deux fois par semaine, tout s’arrête pour écouter "Musekewya" ("Nouvelle aube"). Ce feuilleton radiophonique, lancé en 2003 par l'ONG néerlandaise Benevolencija et diffusé sur la radio nationale rwandaise, est devenu très populaire en dix ans. Très suivi, il aide le pays, encore traumatisé par le génocide de 1994, à tourner la page.

Du suspense, de l’humour et de l’amour. "Musekewya" raconte le conflit entre deux villages rwandais fictifs, Bumanzi et Muhumuro, et aussi l’histoire d’amour entre deux jeunes gens de deux ethnies en guerre. Une histoire qui rappelle le récit universel de Shakespeare, Roméo et Juliette.  Même si les mots Tutsis et Hutus ne sont jamais prononcés dans le feuilleton, celui-ci fait explicitement référence au génocide rwandais de 1994.

Se réconcilier demande du temps.  L’ONG à l’origine du projet a voulu utiliser le format du feuilleton pour apaiser les tensions communautaires et pour diffuser un message de réconciliation. Dix ans après son lancement, les personnages "ont atteint l'étape du dialogue, de la réconciliation, en dépit de quelques problèmes qu'ils leur restent à surmonter", a confié Charles Lwanga Rukundo, l'un des scénaristes.

Le théâtre radio, format le plus aimé. En dix ans, le feuilleton continue de faire des adeptes. "Les gens adorent suivre des histoires", explique l’un des responsables du projet sur place. "Ils aiment suivre ce qui se passe entre les gens, leurs relations émotionnelles, leurs histoires d’amour. C’est donc un format qui est très fort pour attirer l’intérêt de toute la population."  

Un franc succès. Le succès du programme est allé bien au-delà des espérances, comme le raconte le directeur de la radio et fondateur du programme. "Une évaluation scientifique du projet a prouvé l’impact du feuilleton sur la population", expliquait-il en 2009. Une étude menée en 2013 par La Benvolencija a montré que 84% des Rwandais ayant accès à une radio suivaient régulièrement le programme. "Une étude indépendante a conclu que le feuilleton a contribué à changer l’attitude des auditeurs. Il a aussi amélioré le niveau de confiance entre communautés", rapporte sur son site l’ONG La Benvolencija.

La radio a un rôle très particulier au Rwanda. Pendant le génocide rwandais, à partir du 7 avril 1994, c’est justement par le biais de la Radio-Télévision Libre des Mille Colline (RTLM) que les partisans du pouvoir extrémistes hutus ont incité les leurs au massacre de leurs voisins, les Tutsis. Et l'élément qui a été si efficace pour la Radio des Mille Collines - la capacité d'atteindre les gens dans les zones rurales les plus reculées - est aussi efficace pour "Musekeweya". C’est peut-être par la radio que les plaies seront en partie pansées. 

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