France 2 : Pourquoi Sophia Aram a échoué

Sophia Aram quitte l'antenne de France 2.
Sophia Aram quitte l'antenne de France 2. © MAXPPP
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CLAP DE FIN - Son émission Jusqu'ici tout va bien s'arrête vendredi, après seulement trois mois à l'antenne.

Cela restera l'échec le plus cinglant de la rentrée télé. Jusqu'ici tout va bien, l'émission présentée par Sophia Aram sur France 2, tire sa révérence vendredi. Le couperet est tombé il y a deux semaines, lorsque la chaîne a annoncé l'arrêt du programme après seulement trois mois d'existence.

Présentée comme l'émission qui devait renouveler l'avant-soirée de France 2, Jusqu'ici tout va bien n'est jamais parvenue à trouver son public. L'émission attirait environ 500.000 téléspectateurs en moyenne, tournant autour des 4% de part d'audience. Un score très éloigné de l'objectif de France 2, alors que la saison dernière, On n'demande qu'à en rire rassemblait 1,5 million de fidèles au même horaire.

>> Pourquoi cet échec ? Europe1.fr a trouvé quatre raisons :

• Parce que Sophia Aram n'était pas assez connue

France 2 avait proposé la case de 18 heures à plusieurs vedettes, mais aucune n'a accepté de relever le défi. La chaîne s'est finalement tournée vers l'humoriste Sophia Aram, remarquée pour ses chroniques acerbes sur France Inter, mais inconnue du grand public. "C'était prématuré de lui confier une telle émission", estime dans Le Monde Laurent Ruquier, qui fait partie de ceux qui ont refusé la case l'été dernier... mais qui reprendra finalement le flambeau avec une nouvelle émission en janvier.

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© FTV

L'animateur compare la mésaventure de Sophia Aram à celle qu'il a vécue lorsqu'il a débarqué sur TF1, en 1995, avec Les Niouzes. Un programme qui a tenu… une semaine. Or, à l'époque, l'animateur venait lui aussi de France Inter. "Il existe un vrai décalage entre le public que l'on a sur cette radio, en matinale, et celui qu'on touche en télévision entre 18 et 19 heures", estime Ruquier.

• Par manque d'expérience en télé

En plus d'un déficit de notoriété, Sophia Aram souffrait d'une absence d'expérience sur le petit écran. Elle a signé deux one-woman-shows et tenu des chroniques radio pendant plusieurs années, mais n'a jamais été animatrice télé. "On n'envoie pas une gamine qui n'a jamais fait de télévision à cet endroit-là !", s'insurge Patrick Sébastien, cité par Le Nouvel Observateur cette semaine. Hésitations, crispation, vannes qui tombent à plat : dès le premier numéro de l'émission, les lacunes de Sophia Aram ont sauté aux yeux à l'antenne.

Le choix de la boîte de production a également surpris le monde du PAF. France 2 a confié sa nouvelle émission à Morgane Production, une société qui n'a aucune expérience en talk-show. Résultat : dès les débuts de Jusqu'ici tout va bien, les critiques pointant l'amateurisme du programme se sont multipliées.

• Parce qu'il n'y avait "pas de concept"

France 2 l'avait clamé haut et fort, elle voulait une émission qui ne ressemble à rien de ce qui existe. D'autant que la guerre des talk-shows faisant rage en access, l'impératif de se démarquer s'imposait. Ce sera "un show, pas un talk-show", assurait fin août Philippe Vilamitjana, alors patron de France 2. "Ce sera un spectacle en direct, en public, tous les soirs sur France 2, ce sera audacieux. Toutes les cinq à dix minutes, il se passera quelque chose", s'enthousiasmait-il alors.

"Je n'ai pas de concept", avait renchéri Sophia Aram le jour du lancement de l'émission. Une phrase qui la poursuivra pendant trois mois. Car en voulant proposer un programme qui tente de défier les codes de la télévision, France 2 a perdu une grande partie de son public. Semaine après semaine, Jusqu'ici tout va bien cherche pourtant son "concept". Le décor évolue, des rubriques apparaissent ou passent à la trappe, les chroniqueurs défilent : Jean-Pierre Coffe, Gérard Miller ou encore Laurent Baffie tentent d'épauler l'animatrice. Petit à petit, Jusqu'ici tout va bien devient un talk-show comme les autres, avec une bande qui s'amuse de l'actualité autour d'une table. L'audience remonte légèrement, mais reste toujours très loin des objectifs de la chaîne.

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© Capture France 2

• Parce que la pression était trop forte

Mais l'erreur originelle de France 2 est peut-être d'avoir trop promis. Retour en arrière. En décembre 2012, alors qu'elle vient d'essuyer un nouvel échec en access avec le jeu Volte Face de Nagui et la pastille d'humour Roumanoff et les garçons, la direction de la chaîne annonce un grand chantier pour relancer ses débuts de soirée. Mais au printemps 2013, le chantier devient un feuilleton. Surtout lorsque la liste de ceux qui déclinent l'offre s'allonge : outre Laurent Ruquier, Marie Drucker, Flavie Flament, Ariane Massenet ou encore Stéphane Bern auraient tous refusé. La chaîne fait finalement le choix - étonnant - de Sophia Aram et entretient soigneusement le mystère sur le nouveau "show" qu'elle prépare pour la rentrée.

C'est donc peu dire que le 16 septembre, le bébé est très attendu. L'effet de curiosité se transforme en "bad buzz" lorsque Twitter dézingue en direct le premier numéro. Dès lors, Jusqu'ici tout va bien devient la cible idéale. Certaines critiques se transforment en haine lorsque Sophia Aram essuie des injures racistes sur les réseaux sociaux. Mais la pression est aussi économique : l'access prime time est un horaire décisif pour les recettes publicitaires de France 2, interdite de diffuser de la pub après 20 heures.

Thierry Thuillier 930x620

En octobre, l'échec de l'émission fait une première victime : Philippe Vilamitjana, le patron de la Deux, est débarqué. Début novembre, Sophia Aram sort de son silence et affirme qu'elle veut continuer à "se battre". Mais le nouveau patron de la chaîne, Thierry Thuillier (photo), en décide autrement. A la fois coupable de nombreux faux pas et victime d'une pression de tous les instants, Jusqu'ici tout va bien ne passera pas les fêtes de fin d'année.