Sylvie Uderzo : "Mon père est manipulé, ça ne veut pas dire qu'il est sénile."

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La fille du créateur d'Astérix revient sur les faits qui ont amené son père à porter plainte contre elle.

Sylvie Uderzo, la fille du créateur d’Astérix, Albert Uderzo.

Voici ses principales déclarations :

 

Avant de revenir sur les faits : vos parents qui portent plainte contre vous pour violences psychologiques, ça vous fait quoi ?

"Ça m'a fait un choc terrible. C'était d'une extrême violence. Surtout de voir mon père, à la télévision, parler en des termes très durs. Mais je sais très bien et pertinemment, depuis le début de cette histoire, que ce n'est pas de sa propre initiative. Je connais mon père. S'il avait des choses à me dire, il me les dirait en face."

Ça fait combien de temps que vous ne vous êtes pas parlé directement ?

"Je dirais, directement, depuis un an. Jusque-là, j'ai toujours pu garder un fil, même ténu, de relation avec lui."

Pour comprendre cette affaire, il faut remonter un petit peu dans le temps. 2007. A cette époque, vous travailliez pour la maison d'édition Albert René, qui édite et exploite Astérix. C'était aussi le cas de votre mari, Bernard de Choisy. En 2007, votre père décide de le licencier. Puis votre tour arrive, 6 mois plus tard, pour faute grave. Là, c'est vous qui faites rentrer la justice dans le jeu. Vous portez plainte pour abus de faiblesse. Vous dites que votre père est manipulé. Par qui et pourquoi ?

"Manipulé, ça veut pas dire sénile. Je n'ai jamais dit que mon père était sénile. C'est ce qui m'a toujours été reproché dans divers supports médiatiques. Ce n'est pas vrai."

"Abus de faiblesse", quand même.

"Mais vous savez, c'est malheureusement le seul moyen juridique pour les personnes dans mon cas, quand on a des parents d'un certain âge. Ça veut pas dire qu'on est sénile ou qu'on a pas toute sa tête. C'est loin d'être le cas de mon père. Mais on a le droit d'être manipulé ou manipulable."

 

Par qui ?

"Par des hommes en costume cravate qui sont autour de mon père, et qui je pense..."

C'est qui ? Des financiers, des mafieux ?

"Des notaires, des avocats, des experts comptables qui sont autour de mon père depuis très longtemps. Il faut croire que j'ai dû les déranger, je ne sais pas pourquoi, l'avenir me le dira peut-être très vite. Ce que je veux dire par là, c'est que cette action qui vient de se passer, pour moi c'est un enfumage sur un dossier qui est long."

Là vous parlez de sa plainte à lui pour abus de faiblesse.

"Oui, parce qu'il y a quelques temps en septembre, j'ai déposé aussi une plainte pour faux témoignage sur l'expert-comptable, qui a tenu des propos mensongers à la BRDE. Ce témoignage est important parce que la justice s'est appuyé dessus pour rendre un jugement qui pourrait être contre moi. Il y a une espèce d'enfumage pour détourner l'attention de l'opinion."

 

Si vous dites que votre père a toute sa tête, pourquoi ne pas lui avoir parlé et pourquoi se serait-il fait embrouiller par certaines personnes ?

"J'ai toujours essayé, jusqu'à hier, où je lui ai envoyé un SMS auquel il ne répond pas."

Que lui aviez-vous écrit ?

 

"Que je l'aimais, que j'étais très triste et que personne ne pourrait jamais enlever l'amour que j'ai pour mes parents. Mais que ce n'est pas grave pour moi."

Votre père a semble-t-il un problème avec votre mari, qu'il traite de gourou. Il dit : "notre fille n'est pas dans son état normal, il mène la ronde." C'est ça, son problème, il a peur qu'il mette la main sur le pactole de 100 millions d'euros, c'est ça ?

"Oh vous êtes plus au courant que moi. Je n'ai jamais mis le nez dans les finances de mes parents ou d'Astérix."

C'est pas une affaire de gros sous, tout ça ?

"Non, parce que tout va bien pour moi. Si c'était une affaire de gros sous, ça se saurait véritablement. Je vis très, très bien. Comme vous le savez, j'ai vendu mes parts..."

Pour 13 millions

"Oui, c'était confidentiel mais je vois qu'ils ne se sont pas gênés pour révéler les détails du contrat. Je n'ai aucun souci d'existence, j'ai juste perdu mes parents et j'essaie de les protéger contre les corbeaux qui sont autour d'eux. J'ai deux enfants qui souffrent énormément de la situation de leur mère vis à vis de leurs grands-parents, avec qui ils avaient vraiment des relations extrêmement profondes. "

Les enquêteurs qui ont entendu Albert Uderzo suite à votre plainte pour abus de faiblesse ont noté plusieurs choses : une grande vivacité intellectuelle, une mémoire intacte, et aussi qu'il souffrait beaucoup de ne pas voir ses petits-enfants.

"Je peux comprendre que cela le fasse souffrir. Mais ce qu'il oublie de vous dire, c'est qu'ils ont vu mes enfants vendredi dernier. Ma mère me téléphone, me dit : "J'aimerais bien voir mes petits-enfants." J'ai un fils aîné qui travaille à Malte, trois jours plus tard il arrive. Ils les ont vu sans aucun problème, ils le savent très bien. Mes parents le savent. Maintenant, c'est la manipulation, c'est de faire croire que j'ai un rejet de mes parents, que mon mari est un gourou alors qu'il n'est plus jamais apparu dans les affaires... Par contre, à qui profite le crime ? On nous a dégagé..."

C'est comme l'affaire Bettencourt, où on soupçonne des gens de venir se servir ?

"Oh bah écoutez, c'est pas à moi de parler à la place de la fille de Liliane Bettencourt."

Ca y fait penser, quand on parle d'abus de faiblesse, de sommes d'argent…

"Oui, mais écoutez, c'est très facile de dire : "Haro sur les filles uniques de personnes célèbres qui ont de l'argent." Elles ne veulent pas protéger leurs parents mais l'argent de leurs parents. Je ne parle que pour moi : on a brisé sept ans de ma vie familiale, mes parents sont âgés et je ne perds pas espoir de les revoir un jour."

Votre père a 86 ans, votre mère est également âgée. Dans quelques années ils ne seront plus là : vous n'avez pas peur de regretter ce combat ?

"Je ne regrette pas ce combat parce que j'ai deux enfants qui vont être les victimes de ce conflit acharné..."

Non, parce qu'il dit qu'ils vont être dans l'héritage... Il n'y a pas problème là-dessus.

"Ecoutez, ça, c'est une chose. Ce n'est pas mon combat. Mon combat, aujourd'hui, c'est que mes enfants souffrent au même titre que moi. Que je suis obligé d'être au milieu de mon père et de ma mère pour ne pas perdre le lien avec eux."

 

Si ce n'est pas le problème, enlevez-votre plainte, lui aussi et parlez-vous.

"Je ne vais pas enlever ma plainte, Monsieur, parce que je suis encore attaquée pour violences psychologiques. C'est quand même fort ! Le contenu des termes de cette plainte est extrêmement violent. Je vais vous faire une confidence, c'est une exclusivité pour vous : les violences psychologiques, je les ai subies en premier. Il faut que vous sachiez, puisque vous en êtes venus à ça au début de votre interview, que j'avais été virée d'une manière extrêmement malpropre, alors que je recouvrais à peine d'un cancer du sein, que je venais de réintégrer la société, que mon père était au courant de mes problèmes de santé. Or, les autres en ont profité. Ce n'est pas mon père qui m'a viré, ce sont les autres qui l'ont influencé. De quelle manière, je ne sais pas."

Votre père ne vous a pas répondu hier, j'imagine qu'il vous écoute ce matin. Vous lui dites quoi ?

"Que je l'aime et que je l'aimerai toute ma vie. Que j’ai eu grâce à lui une vie exemplaire. Et que des gens ont mis le pied dans la porte de cette famille, pour essayer de détruire ce qui vaut plus que tout au monde, plus que l'argent et la célébrité. Et que je veux retrouver mes parents."