"On nous enfonce la tête sous l'eau, ce n'est pas possible"

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"C'est l'occasion avec le football de se rendre compte que cette taxe à 75% est insupportable, pour les clubs et pour toutes les entreprises !", juge Nicolas de Tavernost.

Nicolas de Tavernost, président du directoire du Groupe M6 et propriétaire des Girondins de Bordeaux

 

Le 30 novembre, Bordeaux ne jouera pas son match contre Ajaccio, il y aura grève ?

"Il y a une journée d'action du football français, avec une journée porte ouverte pour les supporters et ceux qui s'intéressent au football, il n'y aura pas de match pendant ce week-end."

Qu'allez-vous dire à François Hollande ? Que vous avez des moyens de pression, que ça peut durer ?

"Comme tous les autres chefs d'entreprise, les patrons de club ont des difficultés. S'ajoute aux difficultés actuelles cette surtaxation qui pose un vrai problème. C'est je crois un mouvement de mauvaise humeur de l'ensemble des professionnels du football."

Combien ça vous coûterait à Bordeaux ?

"Sur les deux prochaines années, en 2013 - quelque chose qui n'a pas du tout été prévu - et en 2014, elles coûteront pour les deux années un peu plus de 6 millions d'euros."

 

On demande à tout le monde de faire des efforts...

"Attention, j'agis en tant que chef d'entreprise ! Je ne demande pas du tout à ce que le football soit traité de manière particulière ! C'est bien une mesure de portée générale que nous demandons ! C'est peut-être l'occasion avec le football de se rendre compte que cette taxe à 75% est insupportable, non pas simplement pour les clubs mais pour toutes les entreprises ! C'est quoi un club de football ? Une entreprise de spectacle qui embauche des gens qui doivent avoir une certaine qualité et qui ont un prix de marché ! Il est celui que les clubs sont prêts à payer en Europe : nous sommes désavantagés pour les charges sociales, sur les impôts ! Si nous voulons recruter des joueurs de qualité, nous devons les payer  ! Certains diront trop, mais si on veut faire du spectacle on n'a pas le choix ! Pourquoi imposer une taxation, une hypertaxation pour ça ? Ca concerne également beaucoup d'autres entreprises, c'est pour ça que je m'implique : c'est l'occasion de montrer, y compris d'ailleurs pour la chaîne M6, l'absurdité d'un système de surtaxation rétroactif qui fragilise les entreprises avec un niveau considérable de taxe..."

 

Le gouvernement ne reviendra pas sur cette taxe, c'est un symbole. Que demandez-vous ?

"Je ne sais pas si c'est un symbole. Je pense que, quand il y a une sottise, on peut toujours revenir dessus ! Il y a un Parlement, le Président est à l'écoute je pense des acteurs économiques. Pour tous les acteurs économiques, y compris le football mais pas seulement, cette surtaxation à 75% est un véritable problème. C'est caricatural dans le football... Ce sont des entreprises de main d'œuvre, de gens qui gagnent beaucoup d'argent..."

Trop, peut-être ?

"Oui, mais il y a un marché européen ! On peut tout à fait mettre des acteurs de seconde zone sur les pelouses et il n'y aura plus de match, plus de football professionnel... Les supporters et le spectacle que nous vendons exigent d'avoir un certain nombre d'acteurs de qualité. On nous reproche souvent de ne pas en avoir suffisamment en France ! Pourquoi, en plus des impôts qu'ils sont amenés à payer en France, nous serions amenés, nous clubs, à avoir une surpression pour conserver ces gens-là ? Ce combat que nous menons n'est pas un combat simplement pour le football, c'est une mesure de portée générale que nous demandons pour l'ensemble des entreprises qui emploient des collaborateurs de haut niveau, obligées de rémunérer dans un marché hyperconcurrentiel."

Vous avez eu François Hollande au téléphone ou des membres du gouvernement sur le sujet ?

"Nous avons écrit au ministre du Budget pour lui faire part de notre préoccupation et dire au minimum de ne pas taxer les entreprises qui sont en perte ! Ca nous paraît être une absurdité, c'est fragiliser le système ! Je rappelle que ce système, pour toutes les entreprises qui sont frappées, qui sont en perte, c'est accroître leurs pertes et donc un risque de grande difficulté. Ce que nous avons dit : si les règles doivent changer, si on nous impose des contraintes de cette nature, nous serons amenés à se désengager du football..."

Si une entreprise a des pertes, c'est peut-être qu'elle est mal gérée ?

"Ca fait près de 15 ans que nous sommes dans le football professionnel ! Pendant dix ans, nous avons gagné de l'argent, là nous avons une passe plus difficile. Nous essayons de redresser les comptes. Ce n'est pas en nous en enfonçant la tête sous l'eau de manière non-prévisible - tout ça n'était pas prévu - que l'on améliorera la situation ! Ca n'exonère pas les entreprises et les clubs de foot en particulier de faire des efforts de gestion ; nous le faisons. Les seuls qui pourront s'affranchir de cette contrainte, c'est qui ? Monaco qui ne paie pas de taxes et d'impôts, et ceux qui ont des ressources hors normes comme Paris. Ceux qui comme nous ont essayé d'avoir une gestion très professionnelle, très transparente, parfois difficile, on nous enfonce la tête sous l'eau : ce n'est pas possible."

Sondage OpinionWay : 85% des Français disent qu'il faut que les clubs paient cette taxe, 83% trouvent une grève injustifiée. Vous avez conscience de vous lancer dans un mouvement impopulaire ?

"Nous essayons là de convaincre. Les entreprises et les clubs de football n'ont pas d'autres choix, je crois ! Sinon elles déposeront leur bilan ! Vous n'allez pas me dire que le football n'est pas populaire et que le public ne réclame pas des joueurs de qualité, on nous reproche plutôt l'inverse... Encore une fois, ce n'est pas en les hypertaxant qu'on résoudra le problème..."

Vous avez laissé entendre que vous pourriez vous désengager des Girondins ? Vous êtes sérieux ou ce sont des mots en l'air ?

"Nous sommes tout à fait sérieux ! Nous sommes venus en 1999 gérer un club de football en difficulté. Nous l'avons je crois correctement géré, ce club a eu à peu près tous les titres. Nous essayons de faire ça de manière très professionnelle, avec un centre de formation, en assumant le financement intégral, en s'associant avec la ville de Bordeaux pour construire un grand stade... Si l'on met des contraintes aux gens qui essaient d'avoir une exploitation professionnelle, de limiter la hausse des salaires, nous ne jouerons plus."