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"Leclerc est un grand employeur", affirme Michel-Edouard Leclerc qui réfute toute culpabilité dans la crise de l’agro-alimentaire.

Michel Edouard Leclerc, président directeur général de l’enseigne de grande distribution E.Leclerc

Ses principales déclarations :

 

Etes-vous responsable des difficultés actuelles de l'industrie agroalimentaire en Bretagne ?

"C'est du n'importe quoi ! Les entreprises qui licencient en Bretagne vendaient du poulet surgelé aux pays arabes, elles ont vécu sur un système de subvention ! Avec la fin de la PAC qui était programmée depuis 2005, l'Etat a refermé les robinets et ce modèle économique ponctionneur de fiscalité s'arrête avec les drames sociaux que l'on connait mais ils ne vendaient pas sur le marché intérieur, ça n'a rien à voir avec nous."

Ils disent que, quand on travaille avec Leclerc, c'est marche ou crève. On marche à vos tarifs ou on n'est pas dans vos magasins...

"C'est ce que disent les fournisseurs qui ne travaillent pas avec nous. Je vous mets au défi de trouver quelqu'un qui rémunère mieux les producteurs que nous."

Vous ne vous sentez aucune responsabilité ?

"Pas du tout."

Le gouvernement aussi s'en est ému, Benoit Hamon...

"Ça fait beaucoup de gens ! Comment je fais ? Je pense tout simplement que les Centres Leclerc vendent moins cher."

Mais à quel prix ? Parce que vous serrez au maximum l'agro-alimentaire, vos fournisseurs ?

"Faisons attention vis à vis de la publicité, mais tout le monde reconnait que les Centres Leclerc sont à peu près de 12 à 20% moins chers que Casino et Monoprix qui sont dans la même centrale d'achat que nous. Pensez-vous que j'achète 12 à 20% moins cher que la troisième centrale d'achat française ? C'est n'importe quoi ! Vendre moins cher, ça veut dire essayer de vendre moins cher qu'un concurrent, avoir un modèle économique. Vous avez parlé des foires au vin : nous sommes le premier vendeur de grands crus de Bordeaux en France. C'est pas du low-cost ! Nous essayons simplement de vendre moins cher que les autres."

Benoit Hamon décide de vous assigner devant le tribunal de commerce en disant que vous faites pression sur les fournisseurs, il dit n'importe quoi ?

"Non il ne dit pas n'importe quoi. Simplement il dit les jours pairs qu'il ne faut pas trop faire descendre les prix et intervient dans la négociation commerciale. Mais reconnaissez que les jours impairs il me demande de casser le prix des lunettes sur internet, de le vendre moins cher par rapport aux opticiens qui disent le contraire..."

Vous vous en foutez, de ce que dit le gouvernement ?

"Complètement ! (Rires.)"

Vous dites : la loi, je m'assois dessus...

"Je m'assois dessus quand elle est faite contre moi. Quand c'est une loi qui détourne le droit pour s'en prendre à des gens que le gouvernement sollicite par ailleurs pour aider les éleveurs, les petits producteurs, les PME ou pour faire baisser le produit de rentrée des classes ou le carburant. Ce sont les mêmes qui après font semblant de me dire : "Leclerc, je vais te le polisser et lui faire augmenter ses prix !" Ça n'a aucun impact sur moi."

FNSEA et jeunes agriculteurs vous reprochent de mettre en place des prix qu'ils ne peuvent assumer... Que ça saigne les filières jusqu'aux éleveurs en compromettant leur avenir...

"Ca j'ai déjà répondu tout à l'heure... Il faut prendre le point de vue des consommateurs : il est évident qu'en temps de crise, un industriel n'a pas envie de baisser les prix. C'est vachement dur, en plus, pour lui ! Mais de l'autre côté, hier vous avez dit de combien était la hausse du SMIC, la baisse du pouvoir d'achat en 2013 et 2014... Ce n'est pas en augmentant les prix que l'on va vendre mieux et plus et que ça va tirer la croissance française. Et je doute que, même si Leclerc augmentait ses prix au niveau de Casino et Monoprix, je doute que les paysans gagnent plus... Je ne m'intéresse pas à la rumeur et les autres commerçants font ce qu'ils veulent. Après tout, s'ils veulent payer plus cher le marché français déjà plus cher que le marché européen, c'est leur problème vis à vis des consommateurs."

Il y a aussi une responsabilité vis à vis de l'emploi. Doux, Tilly Sabco, Gad, 5.000 emplois menacés à court terme dit l'association nationale des industries alimentaires... Ce n'est pas la faute que de Leclerc...

"Si c'est pas la faute de Leclerc, il faut le dire ! Et puis, Leclerc est aussi un grand employeur : 11.000 emplois en Bretagne ! C'est pourquoi les gens qui ont essayé de nous diviser, et que vous avez sollicités, Elkabbach et autres, ça n'a pas marché. Nous avons des emplois industriels dans l'agro-alimentaire en Bretagne : nous employons 3.500 personnes dans l'industrie agro-alimentaire et nos entreprises sont bien gérées, marchent bien, vendent au même prix que le marché local. Je n'ai pas l'intention de devenir le punching-ball de tous ces gens."

 

Pourquoi vous en veulent-ils ?

 

"Parce que les médiocres, à défaut de se remettre en cause, ciblent en général la performance des autres. C'est classique, ça fait 30 ans que je viens dans vos studios. Si vous saviez comme tant de gens aimeraient que les centres Leclerc augmentent leurs prix : c'est incroyable."

Un peu plus cher pour avoir des produits d'un peu meilleure qualité ?

"Jamais !"

Quitte à avoir des lasagnes au cheval ?

"Regardez ce que vous balancez là, c'est n'importe quoi ! Vous ne devriez pas dire des trucs comme ça, que pour faire du média, de la reprise, me faire réagir. Ce n'est pas sérieux. Quand vous prenez une seconde classe en train, ce n'est pas pour ça qu'elle va dérailler avant la 1ère classe ! Un billet low-cost, j'espère que les normes de sécurité sont les mêmes à l'avant ou l'arrière de l'avion !"

Pour un plat, on ne met pas les mêmes ingrédients...

"Le fait de vendre moins cher un produit, c'est d'abord une volonté de vendre moins cher, c'est ensuite prendre moins de marge, mon groupe est performant car nos adhérents prennent moins de marge, on anticipe sur les volumes. C'est pourquoi il y a beaucoup de consommateurs chez nous en ce moment, c'est ce qui fait qu'on a un modèle économique qui tient bien et que pourraient copier d'autres distributeurs qui sont trop chers ou des groupements d'industriels que les consommateurs ont délaissé. Il faut ramener les choses à un peu de rationalité."

 

Vous avez 61 ans, l'âge où l'on pense à sa succession...

"Moi je me sens vert ! Je vois Robert Redford qui à 77 ans a encore du jus, Claude Perdriel du Nouvel Observateur se retirer et vendre son groupe à 84 ans... Ca me laisse encore un peu de marge ! Vous voulez vraiment que je dégage ?"

"On n'augmentera pas nos prix, tant que le pouvoir d'achat sera à la baisse, on adaptera les prix au pouvoir d'achat du consommateur. Ils font la croissance, c'est eux qui tirent la consommation."