8:03
  • Copié
, modifié à

"Ce pays a beaucoup plus besoin de vous que vous n'avez besoin de lui" : voilà ce que dit Félix Marquardt aux jeunes de France.

Félix Marquardt, auteur de « Barrez-vous ! 99 bons plans pour aller voir ailleurs si t’y es » (Ed. Folio)

Dans une tribune dans Libération, vous expliquiez aux jeunes qu’ils devaient quitter la France pour s’épanouir. Est- ce que vous avez toujours un problème avec la France ?

« Je n’ai aucun problème avec la France, bien au contraire, j’y suis né, j’aime ce pays. C’est d’ailleurs en me « barrant » que je me suis réapproprié ma « francitude ». Je suis très heureux d’avoir grandi ici, d’avoir pu bénéficier du système scolaire français. Maintenant, il y a une réalité, dans ce pays. Depuis 30 ans, la classe politique tolère un taux de chômage des jeunes de 25 % dans toute la population, et qui atteint 40% pour ce qui est des classes populaires. Un pays qui traite sa jeunesse de cette manière-là ne la mérite pas. Moi je dis aux jeunes de Franc e : « C’est très simple, ce pays a beaucoup plus besoin de vous que vous n’avez besoin de lui. » Soit il se rend compte de cette réalité, il en tire les conséquences, il intervient et il prend les mesures pour qu’enfin change votre condition.

Soit vous n’avez qu’à faire ce que fait l’humanité depuis la nuit des temps pour exprimer son mécontentement lorsqu’elle n’est pas contente de la manière dont le système politique, économique, …  dans un endroit donné fonctionne. Qu’est-ce qu’elle fait ? Elle vote avec ses pieds, elle se barre. »

Page 13 de votre livre, vous écrivez « […] La France elle te formate, elle te censure la France ». C’est terrible comme constat !

« C’est vrai, mais malheureusement, je tiens à dire que, même si au départ mon propos était d’interpeller, la réalité de la chose, c’est que le problème est beaucoup plus large que français, il est européen, voire occidental. Nous avons réussi à faire, et nous sommes tous responsables, je m’inclus là-dedans, nous avons réussi à faire d’une génération de jeunes, on a réussi à en faire des vieux. Ça peut paraitre provocateur, ce n’est pas du jeunisme que je fais… »

Quel âge avez-vous ?

« J’ai 38 ans, pour la plupart des gens dont je parle, je fais partie des vieux. »

 

En 2011, 35.000 foyers fiscaux ont décidé de quitter la France. Dans 40% de cas, ce sont des jeunes, des moins de 30 ans. Certains s’en inquiètent… Vous, pas du tout !

« Je pense que le problème, par rapport aux questions d’exil fiscal, c’est un problème qui a 30 ans. Les gens qui avaient beaucoup d’argent et qui ont eu besoin de l’emmener ailleurs, parce qu’ils en avaient trop et qu’ils n’avaient pas envie de le partager avec le reste de la population française, ils sont partis il y a des lustres. »

 

J’en viens à ces 99 bons plans, il y en a beaucoup qui sont très connus, il y en a certains que j’ai découverts : numéro 11, Erasmus pour les jeunes entrepreneurs. Qu’est-ce que c’est ?

« C’est une opportunité d’utiliser les réseaux tissés par le biais d’Erasmus à Bruxelles et par les réseaux d’Erasmus, pour profiter des rencontres et des liens tissés, noués au travers d’Erasmus pour développer des entreprises. »

Il y en a d’autres : numéro 55, prendre un congé de solidarité internationale…

« C’est une manière, également, de pouvoir s’expatrier, vivre à l’étranger. En fait, la manière dont on a dessiné le guide, ce n’est pas par zone géographique, c’est par raisons de partir. Celle-ci est parmi les motivations un peu humanistes, le don de soi. C’est une des très belles possibilités qui s’offrent à la jeunesse. »

Quel est le meilleur bon plan de ce livre ?

« Pour moi, la chose la plus importante dans le fait de se barrer, c’est de prendre conscience que le champ des possibles est bien plus large qu’on ne veut bien l’admettre aujourd’hui en France. Il y a un terme qui est symptomatique du malaise français. On parle des jeunes et de leur besoin de s’insérer. Quand on a 15, 20, 25 ans, on ne s’insère pas. Quand on a 15, 20, 25 ans, on explose, on essaie de déchirer, on essaie de faire des trucs incroyables. On ne cherche pas à s’insérer. S’insérer, c’est trouver sa place dans un truc qui existe déjà. On fait sa place, on ne la trouve pas. Donc, aujourd’hui, je dis aux jeunes : « Ne croyez pas tous ceux qui vous disent qu’il faut que vous vous insériez ». Vous n’avez pas à vous insérer, vous avez à rêver, vous devez créer des nouveaux projets, le monde est à vous, soyez existentialiste, emparez-vous du monde, il vous tend les bras. »

Vous avez grandi dans un milieu favorisé. Est-ce que ce n’est pas plus facile de se barrer quand on sait qu’au retour il n’y a aucun risque à revenir chez Papa et Maman ?

« Deux choses : la première, c’est que se barrer, ce n’est plus réservé aux privilégiés comme moi-même. Il y a quelques années, en effet, se barrer, pour la plupart des Français, ça voulait dire, pour quelques jeunes qui avaient fait Dauphine ou HEC, partir dans la City de Londres et travailler là-bas. Le phénomène se cantonnait à cela. La réalité, aujourd’hui, c’est qu’on n’a plus besoin d’être privilégié pour se barrer. Ce guide en est la preuve. Je connais des centaines de jeunes, qui sont des milieux les plus défavorisés de France, qui ont tracé leur route, qui sont aujourd’hui à Shanghai, à Sao Paulo, … Les gens qui disent qu’il n’y a que les privilégiés comme moi qui peuvent se barrer se foutent de la gueule du monde, ce n’est pas vrai ! La deuxième chose, c’est qu’en France, quand on parle des privilèges, on voit ça sous le jour de l’argent. Bien sûr, c’est aussi ça. Mais pour moi le plus grand privilège, c’est d’avoir eu les murs de l’appartement dans lequel j’ai grandi tapissé de livres, que mes parents parlent trois langues à la maison, d’être biculturel, voire triculturel. C’est ça le vrai privilège, ne vous gourez pas là-dessus. Je connais plein de gosses de riche qui ont une éducation et une ouverture sur le monde dramatiquement étroite. Ne vous trompez pas, ce n’est pas l’argent qui fait le privilège en soi. »