Marisol Tournaine : "Un des enjeux majeurs, c'est de faire en sorte que l'on soigne davantage en proximité"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

Selon la ministre de la Santé, pour réduire le déficit, il faut que les Français se rendent plus souvent chez leurs médecins plutôt qu'à l'hôpital.

Ce matin à 8h20, Europe 1 recevait Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé.

Ses principales déclarations :

 

Les Français doivent-ils accepter l'idée d'être moins bien soignés demain ?

"Non, ils ne doivent pas l'accepter : d'ailleurs ils ne seront pas demain moins bien soignés qu'aujourd'hui. C'est un principe que j'ai fixé, que j'ai rappelé. Nous avons un système de santé tout à fait remarquable : la qualité de soins est très bonne et tout le monde peut y accéder. Lorsque j'ai engagé le travail sur les économies à réaliser, j'ai indiqué que nous devions faire en sorte de soigner aussi bien voire mieux, sans toucher à la qualité de la protection mais en réorganisant notre système."

Les urgences : il y aura encore moins de moyens ?

"Non, il n'y aura pas moins de moyens, au contraire. Nous avons engagé un plan en faveur des urgences. Ce qui montre bien que des investissements vont continuer à être réalisés dans notre système de santé, mais que l'objectif est d'organiser notre système autrement. Un des enjeux majeurs : faire en sorte de soigner davantage en proximité, faire en sorte que les gens aillent voir le médecin, le généraliste ou spécialiste, près de chez eux. Cela suppose de la coopération entre les professionnels."

 

Personne ne joue le jeu depuis des années...

"Parce que ça n'a pas été fixé comme un objectif ! J'ai annoncé que je mettais en place une stratégie nationale de santé dont je vais progressivement préciser plusieurs éléments."

Des sanctions plus fortes pour les médecins qui ne joueront pas le jeu ?

"Les médecins jouent plutôt le jeu ! Ce qui est en question, c'est la coopération entre les professionnels. C'est de cette façon-là que nous allons réorganiser notre système pour que les gens aillent moins directement à l'hôpital. Des économies aussi - j'entends parfois dire que l'hôpital ne serait pas mis à contribution mais on sait qu'il y a des difficultés de gestion à l'hôpital - sur un même territoire vous avez parfois plusieurs hôpitaux qui ont des systèmes informatiques, des systèmes de blanchisserie différents : il faut mutualiser."

On va fermer de nouveaux petits hôpitaux ?

 

"Non, je crois que ça c'est un faux débat : on ne peut pas d'un côté dire "J'ai besoin d'avoir des médecins de proximité" et de l'autre commencer par fermer des hôpitaux de proximité. L'objectif n'est absolument pas de fermer des hôpitaux mais de faire en sorte qu'il y ait une meilleure organisation, une plus grande rationalité dans la façon dont sont présents ces hôpitaux et travaillent ensemble."

La chirurgie ambulatoire va devenir la règle aujourd'hui dans les hôpitaux ? La Cour des comptes dit qu'il y a 5 milliards à aller chercher...

"Cinq milliards c'est un chiffre qui pour certains apparait magique. Ça veut dire que toutes les opérations réalisées avec des gens qui dorment le soir à l'hôpital se feraient dans la journée. On fermerait la moitié des lits, on mettrait au chômage la moitié des gens qui travaillent à l'hôpital : ça n'aurait pas de sens surtout sur quelques années. En revanche, nous devons aller plus loin. Par exemple, un objectif précis, la chirurgie de la cataracte : on peut se dire qu'en 3 ans c'est 100% des actes de chirurgie qui doivent être réalisés en ambulatoire. On sait que c'est possible : il n'y a pas de raison de ne pas le faire. On sait aussi qu'il y a des régions où certaines opérations sont plus fréquentes que d'autres : il n’y a pas de raison qu'on opère plus de l'appendicite dans le Sud-Ouest que dans le Nord ! Il y a là des objectifs à atteindre. (...) La chirurgie ambulatoire n'est pas une baguette magique mais il faut évidemment la développer, car cela permet de faire des économies assurément et beaucoup de gens n'ont pas envie de rester très longtemps à l'hôpital. Opéré, vous rentrez chez vous : c'est plus agréable et plus confortable."

Vous allez plafonner les remboursements des mutuelles ? Que Choisir dit que ces remboursements seraient ramenés à 100 euros pour les montures, 200 euros les verres simples, 400 euros les verres complexes... Ils ont raison ?

"Qu'est-ce qui est en jeu ? On constate que pour les lunettes et d'autres tarifs il y a parfois une tentation de dire : "Combien vous rembourse la mutuelle ? Je vais aligner le prix sur ce qui est remboursé." Ce n'est pas une manière de maîtriser les coûts ! Nous avons décidé, cela a été fait il y a quelques mois, de mettre en place des contrats responsables qui s'engagent à mieux maitriser ce qu'ils vont rembourser au patient en échange de quoi le contrat coûtera moins cher..."

Il y aura un plafonnement ?

"Il y aura progressivement un plafonnement non pas de ce qui est remboursé mais de ce qui sera au fond apporté comme garantie si on veut que le contrat fasse l'objet d'avantages sociaux et fiscaux. Pour payer moins cher son contrat de mutuelle, on prend un contrat qui sera responsable et raisonnable."

Y'aura-t-il de nouvelles franchises sur le médicament ?

"Non. Il n'y aura pas de nouvelles franchises : je redis ce que je viens de dire, l'essentiel est la garantie de notre système social. Il n'y a pas d'un côté un pacte pour l'économie, de l'autre côté des économies pour rétablir nos comptes publics, et puis des réformes de structures et puis, si on trouve le temps, le pacte social. Pour moi, le pacte social est au cœur de ce qui fait l'attractivité de la France, de ce qui permet à notre pays de vivre bien, d'aller de l'avant. Le pacte de solidarité et de responsabilité se fait dans le respect de notre modèle de protection sociale : pas de déremboursement, la même qualité de soins, la même prise en charge, c'est cela qui est aujourd'hui garanti. Oui, il y a des économies mais des économies de structure et d'organisation en matière de santé : nous pouvons, quand on voit ce qui se fait dans d'autres pays, soigner bien, un peu moins cher."

 

Un gouvernement de gauche peut-il geler les petites retraites ?

"Il y a aujourd'hui une discussion engagée avec les parlementaires : je comprends très bien la préoccupation qui est la leur, de faire en sorte que ceux qui ont de petites pensions puissent être préservés des efforts demandés. Je veux rappeler que ce gouvernement engage une politique en direction des familles modestes, des retraités : aujourd'hui même est publié un décret qui permet de revaloriser les prestations familiales des familles les plus modestes. Pour des familles nombreuses modestes, ça va représenter presque 20 euros de plus par mois ! Quand on a un petit revenu, 20 euros de plus par mois, ça compte. Pour des parents isolés, revalorisation aussi. Nous sommes dans une perspective où nous avons la volonté d'aider les plus modestes. J'entends ce que vous dites, et ce que disent les députés socialistes : je suis à l'écoute, je suis très sensible à leur préoccupation,  j'espère que nous pourrons trouver un point d'entente. Je suis non seulement attentive mais je comprends la préoccupation qui est la leur : il y a des retraités qui sont dans des situations très modestes. Je souhaite que nous puissions trouver une solution."

 

A propos du compte pénibilité : mise en place au 1er janvier 2015 ?

 

"Oui, ce compte pénibilité entrera en vigueur en temps et en heure. La réforme des retraites, c’est à la fois des efforts demandés à tous, il faut travailler plus longtemps car nous vivons plus longtemps, mais il est juste que des gens puissent partir en retraite avant car ils ont eu des métiers pénibles. C'est un engagement fort, une avancée sociale forte : pas question d'y déroger ! Ce compte doit être évidemment simple, je rassure le patronat sur ce point. Mais cette avancée sociale, je le dis à M. Gattaz et tous ceux qui veulent la mettre en cause, elle entrera en vigueur."

A bon entendeur pour le ministre du Travail...

"Je crois que le ministre du Travail est tout à fait sur cette ligne-là !"

 

Selon le Point, consignes de Ségolène Royal dans son ministère : interdiction des décolletés ! Et au ministère de la Santé ?

"Il me semble que toutes les femmes et tous les hommes qui travaillent au ministère des Affaires Sociales et de la Santé ont le sens de la mission qui est la leur, et spontanément adoptent une tenue décente. Mais l'été, des décolletés légers ne me posent aucun problème..."