Alexandre Orlov : "L'Ukraine vit actuellement une crise importante"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

L'ambassadeur de Russie en France revient sur l'échec des négociations européennes avec l'Ukraine et l'actuelle crise politique que ce pays traverse.

Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie en France

Ses principales déclarations

Aujourd’hui à New York, aux Nations Unies, la Russie votera-t-elle la résolution favorable à une intervention militaire en Centrafrique ? 

"Je crois que la Russie, sans doute, donnera le feu vert pour cette opération. Nous avons travaillé avec nos collègues français sur le texte de la résolution qui, j'espère, sera donné aujourd'hui pour donner le coup d'envoi de cette opération importante.

Parce que vous dénoncez les crimes qui se produisent là-bas, hier à la machette, ce matin encore des tirs, un conflit interreligieux et un chaos qui justifie à vos yeux un retour à l'ordre à Bangui ? 

"Bien sûr, bien sûr : comme on l'a fait au Mali, nous allons aussi faire en Centrafrique.

Ça, ce sont les instructions du président Poutine. 

"Oui. C'est le bon sens." 

En Ukraine, les manifestants reçoivent le soutien de l'Eglise, des commerçants et des intellectuels. Craignez-vous des violences, une escalade ? 

"Ce qui se passe en Ukraine nous préoccupe puisque ça déstabilise le pays, qui connait déjà des difficultés économiques. Je pense que l'Ukraine, notre partenaire le plus proche, vit une crise politique profonde, sur fond de cette négociation avec l'Union européenne qui a échoué. Mais je suis plutôt optimiste. Je crois, comme ça a été le cas par le passé, que le pays surmontera cette crise.

Moscou dénonce un coup d'état, un complot. De qui ? 

"Moscou ne dénonce rien. Nous disons que c'est une crise qui est grave, qu'il ne faut pas d'ingérence et qu'il faut laisser le soin aux Ukrainiens de régler ce problème eux-mêmes. Et ils sont sur la voie pour trouver un compromis.

Vous dites, pas d'ingérence. Qui en use ? C'est vrai que le ministre allemand Westerwelle se promenait hier sur la place, à Kiev. "Je ne les connais pas." Mais vous préféreriez que les pays européens ne s'en mêle pas ? 

"Oui, bien sûr. Nous préférerions que personne ne s'occupe des affaires des autres." 

Vous non plus. 

"Nous non plus. On ne s'en est pas mêlé." 

Un grand nombre d'Ukrainiens souhaite que leur pays soit associé à l'Union européenne. Pourquoi les empêcher d'avoir une envie d'Europe, Monsieur l'ambassadeur ? 

"Ecoutez, personne ne les empêche d'avoir envie d'Europe. Je pense que l'affaire ukrainienne est très importante. Pourquoi ces négociations ont échoué ? Parce qu’elles ont été mal engagées, avec un esprit de division, de confrontation avec la Russie. Quand on vous dit : "Cher Monsieur, vous devez choisir entre la Russie et l'Europe." la réponse sera celle qu'on attend." 

Mais peut-on être la Russie et l'Europe quand on a été une république soviétique ? 

"Bien sûr, bien sûr. Je veux vous dire que, pour bien comprendre nos relations avec l'Ukraine, vous devez vous souvenir que la Russie est née à Kiev. Russes et Ukrainiens, c'est le même peuple. C'est comme les Bretons et les Normands en France. On peut pas les séparer. Certes, ils ont deux Etats indépendants, et nous respectons cette indépendance.

Certes, et pour être raccord avec l'Histoire, les Ukrainiens ont eu des souvenirs douloureux de leurs rapports avec la Russie stalinienne. 

"Ça, je pense pas..." 

La solution consiste-t-elle à faire des élections anticipées ? Quelqu'un du pouvoir l'a dit... 

"Ecoutez, ça, ce sont les Ukrainiens qui décideront. Mais dans un pays démocratique, tous les problèmes se règlent toujours par les élections." 

La Russie est omniprésente pour participer au règlement des conflits. Est-ce que Bachar el-Assad respecte l'accord de contrôle et de destruction de ses armes chimiques ? 

"Tout à fait. Il faut dire que Bachar el-Assad est sous contrôle international, de l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques, des Nations unies et que pour le moment, tout le monde vous le dira, le processus de destruction du stock d'armes chimiques syrien va bien.

Est-ce que vous lui accordez un soutien inconditionnel, à Bachar ? "

Pas du tout, il n'y a de soutien inconditionnel à personne. Mais dans cette affaire-là, il joue bien le jeu et il faut le soutenir pour faire disparaître les armes de destruction massive." 

Et les rebelles, enfin du moins ceux qu'on appelle ainsi, vous les voyez agir encore ? "

Hélas oui. Ils agissent. Ce qui est grave, ce sont les attaques des rebelles contre les lieux saints du monde chrétien. Récemment, des moines ont été pris en otage par les rebelles. Ils détruisent des églises qui font partie du patrimoine de l'humanité. Ce sont des choses vraiment graves."

L'Iran et les 5+1 ont conclu un accord de 6 mois sur le nucléaire iranien. Croyez-vous l'Iran prêt à renoncer au nucléaire militaire ? 

"Oui, bien sûr. Il l'a dit. Je crois que l'Iran, comme tout pays, a le droit au nucléaire civil. Mais le nucléaire militaire, c'est exclu, puisque la Russie est le premier pays intéressé dans la non-prolifération de cette arme. " 

Vous le dites ici : votre gouvernement n'accepterait pas que l'Iran ait la bombe atomique. 

"Jamais." 

Quel est finalement l'ennemi actuel de la Russie ? 

"Oh, la Russie n'a pas d'ennemis. Mais je crois, si vous voulez, que les adversaires que nous avons tous en commun, ce sont des gens qui défient nos valeurs judéo-chrétiennes, qui veulent imposer leur idéologie par la force. Ce sont les adversaires de la Russie mais aussi de l'Europe toute entière." 

Vous voulez parler de tous ceux qui représentent les intégrismes djihadistes, salafistes ? 

"Oui, et tous les intégrismes, de tout ordre, aussi bien musulmans que d'autres.

Vous voulez dire que ce sont des ennemis communs ? 

"Pas des ennemis communs. Des adversaires, avec lesquels il faut s'opposer non par les armes mais par les mots." 

C'est l'idéologie, qu'il faut combattre ? 

"Voilà." 

François Hollande et Vladimir Poutine ne se rencontrent pas souvent. Pensez-vous qu'ils se comprennent ? Comment peuvent-ils se comprendre mieux ? 

"Je pense qu'ils se comprennent bien. Ils ne se rencontrent pas souvent, c'est vrai, mais les calendriers sont difficiles à gérer. Ils se parlent. Ils se parlent directement ou à travers leurs ministres des affaires étrangères, qui se voient très souvent. Je crois que le contact au niveau politique entre deux pays comme la France et la Russie est permanent. " 

Qu'est-ce qu'il faudrait pour améliorer les relations Paris-Moscou, Elysée-Kremlin, Hollande-Poutine ? 

"On peut toujours améliorer. Il faudrait simplement que ces contacts soient plus fréquents." 

Est-il vrai, comme ça se murmure, que le président Poutine pourrait accorder une amnistie générale qui pourrait concerner les Pussy Riots ? 

"C'est vrai. Nous allons fêter le 12 décembre les 20 ans de notre nouvelle Constitution. A cette occasion, il y aura une loi d'amnistie qui sera votée par la Douma d'Etat dans les jours qui viennent, qui prévoira une amnistie assez générale. Les Pussy Riots seront-elles dedans ? Je ne le sais pas mais je ne l'exclus pas." 

Dernière question : depuis quand êtes-vous en France ? 

"Depuis toujours. Je suis arrivé le 13 septembre 1971. J'ai vécu sous tous les présidents (sic)."