Une victoire pour la cause des enfants-soldats

© REUTERS
  • Copié
Solène Cordier avec AFP
La CPI a reconnu coupable de conscription et d'enrôlement le Congolais Thomas Lubanga.

C'est une avancée dont peuvent se féliciter les défenseurs des enfants-soldats. La Cour pénale internationale (CPI) a reconnu coupable, mercredi, l'ancien "seigneur de guerre" Thomas Lubanga. Les juges, qui prononceront la peine ultérieurement, ont conclu "à l'unanimité que l'accusation a prouvé, au delà de tout doute raisonnable, que Thomas Lubanga est coupable des crimes de conscription et d'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans et les a fait participer à un conflit armé", en République démocratique du Congo (RDC) entre 2002 et 2003.

"L'impunité n'existe pas"

Ce jugement, qui constitue une première dans l'histoire de la CPI, a été salué par plusieurs ONG. Pour Géraldine Mattioli, chargée de la justice internationale à Human Rights Watch, "c'est un signal très fort aux auteurs de crimes aussi graves, un signal que l'impunité n'existe pas".

Le représentant légal des victimes, Luc Walleyn, a de son côté prédit que Thomas Lubanga ne serait sans doute pas condamné à la peine maximum. "L'enrôlement d'enfants reste un crime très grave, toute une génération de jeunes a été sacrifiée là-bas, mais bon, ce n'est pas un génocide", a-t-il commenté.

Un procès qui a duré trois ans

Thomas Lubanga, 51 ans, était le chef de l'Union des patriotes congolais (UPC), l'une des six milices ayant sévi dans les années 2000 en Ituri, une province orientale de RDC.

Son procès devant la justice internationale a débuté en 2009, trois ans après son transfert à La Haye et cinq ans après que le gouvernement congolais a demandé à la CPI d'enquêter sur les crimes commis sur son territoire.

Les seuls chefs d'accusation retenus finalement contre lui ont été l'enrôlement et la conscription d'enfants-soldats, ce que Thomas Lubanga n'a cessé de nier. Les soupçons de massacres ethniques de grande ampleur orchestrés par l'UPC n'ont en revanche pas été conservés.

La Convention relative aux droits de l’enfant, signée en 1989, interdit l’enrôlement des enfants de moins de 15 ans dans des conflits. Une interdiction renforcée par la signature onze ans après du Protocole additionnel sur la protection des enfants dans les conflits armés, qui relève à 18 ans l’âge minimal de recrutement. En-deçà de cet âge, leur enrôlement est considéré comme un crime de guerre.

Les victimes appelées à témoigner

Pour la première fois lors d'un procès international, 93 victimes ont été invitées à s'exprimer lors du procès de Thomas Lubanga, qui s'est souvent déroulé à huis clos. En mai 2009, ces enfants-soldats avaient demandé la requalification juridique des charges pesant contre l’accusé de manière à y inclure les charges d’esclavage sexuel et de traitement cruel. Des allégations qui n'ont pas été retenues par la Cour.

Les représentants légaux des victimes s'étaient concentrés, lors de leurs conclusions, sur trois points : rappeler que l'objectif des victimes était de faire établir la vérité et reconnaître leurs voix, insister sur l'étendue du traumatisme, mettant en avant que ces enfants-soldats ne pourraient jamais recouvrer cette période de leur vie, et enfin, mettre l'accent sur leur sécurité, en indiquant que certains ont été persécutés parce qu'ils ont témoigné. Au début du procès, l'une des victimes avait d'ailleurs préféré retirer son témoignage.

30.000 enfants-soldats enrôlés

Thomas Lubanga, qui plaidait non coupable, a à plusieurs reprises accusé de mensonges les témoins, réfutant même le fait qu'ils aient été des enfants-soldats. Il avançait comme argument que c'étaient les parents eux-mêmes qui demandaient à leurs enfants de se battre pour défendre leurs intérêts.

Les spécialistes considèrent que les conflits dans cette région de l'Afrique ont provoqué l'enrôlement de quelque 30.000 enfants-soldats au total.