Syrie : le régime "se permet tout"

Enterrement des victimes présumées du massacre de Houla.
Enterrement des victimes présumées du massacre de Houla. © REUTERS
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avec Nicolas Poincaré , modifié à
Le directeur de l’Iris et plusieurs reporters, dont Edith Bouvier, ont échangé sur le drame syrien.

Alors que le massacre commis à Houla - où 108 hommes, femmes et enfants ont été tués en fin de semaine dernière - indigne la communauté internationale, deux reporters qui étaient il y a quelques mois en Syrie, un photoreporter qui a couvert de nombreux conflits et le directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques ont échangé, lundi sur Europe1, leurs témoignages et leurs analyses sur cette guerre à ne pas oublier.

Edith Bouvier

© CAPTURE COMITE DE SOUTIEN

Edith Bouvier, journaliste. "Les journalistes ont beaucoup de mal à entrer en Syrie et à en sortir", a souligné la reporter du Figaro qui a passé une dizaine de jours dans l’enfer de Homs en février dernier avant de s'en évader dans des conditions rocambolesques.

La journaliste a loué "le travail des blogueurs syriens qui sortent infos et vidéos et sans lesquels, il n’y aurait pas d’info sur le massacre de Houla par exemple".

"Il y a un côté qui se permet tout"

Alfred de Montesquiou

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Alfred de Montesquiou, journaliste. En reportage en Syrie en février dernier pour Paris Match, le grand reporter a insisté sur la difficulté à couvrir les événements sur place. "Il faut beaucoup de chance pour s’en sortir", a confié le journaliste.

"Edith et moi avons des amis qui y sont restés", a rappelé le reporter en faisant notamment allusion au photographe Rémi Ochlik tué à Homs. Pour le reporter, l’ONU se perd, dans ce conflit comme dans d’autres, "dans les détails".

Or, à ses yeux "dans les grandes lignes morales", le régime de Damas et les rebelles ne se valent pas. Pour lui, il est clair qu’"il y a un côté qui se permet tout". "Cela ne ressemble pas aux rebelles d’aller égorger des enfants", a-t-il aussi insisté.

"Assad craint le reportage de trop"

Patrick Chauvel

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Patrick Chauvel, photoreporter. "Le régime Assad connait la presse et le pouvoir de la presse", a souligné le photoreporter. "Ils savent depuis 1982", a-t-il rappelé en faisant référence au massacre de Hama qui s’était, alors, déroulé à huis-clos.

Convaincu qu’"une image peut changer une guerre", le photographe estime qu’Assad craint précisément "la photo, le reportage de trop". Dans tous les massacres rapportés, "la responsabilité est d’un seul côté" selon lui, "après s’il y a des dérapages, cela s’appelle la guerre". "Les rebelles n’ont aucun intérêt à se mettre à dos la population, d’autant qu’ils sont la population", a-t-il analysé.

"Il y a toujours un moment où il y a le massacre de trop"

Pascal Boniface

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Pascal Boniface, chercheur. "Dans tous les conflits survenus depuis les années 60, et l’ère de  la télévision, il y a toujours un moment où il y a eu le massacre de trop", analyse Pascal Boniface, le directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques.

Selon lui, il faut deux conditions pour que cela arrive : "que le conflit soit identifié par le public" et "qu’il y ait des images". A propos du massacre de Houla, Pascal Boniface estime que si chacun se rejette la responsabilité "vu l’importance des bombardements, ils ne pouvaient venir que de l’armée syrienne".

"Pendant longtemps l’opposition syrienne ne demandait pas l’intervention militaire, à présent il y a 13.000 morts et les choses changent", a-t-il relevé. Pour lui, "il faut mettre la Russie en face des ses responsabilités". D’après lui, "Obama qui ne veut pas intervenir en Syrie souhaite que les Russes acceptent le départ d’Assad pour un changement dans la continuité".