Syrie : faut-il armer les rebelles ?

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DECRYPTAGE - L’UE vient de lever l’embargo sur les armes, mais la rébellion n’offre pas toutes les garanties nécessaires.

Lundi soir, les vingt-sept membres de l'Union européenne sont tombés d'accord pour lever l'embargo sur le transfert d'armes au rebelles syriens. A partir du 1er août, l’Union Européenne pourra donc armer l'opposition syrienne qui se bât depuis plus de deux ans contre le régime du président Bachar Al-Assad. Mais la rébellion - déçue de voir le régime participer à la conférence internationale pour la paix, à Genève en juin prochain - devra offrir des garanties  aux partenaires européens pour que les armes lui soient transférées. Des conditions que les opposants au président syrien ne sont pas capables de remplir aujourd’hui.

Une rébellion éparse. Si elle bénéficie d’un état-major - installé en Turquie - la rébellion syrienne est loin d’être un mouvement coordonné. "Il n’existe pas de vraie armée syrienne libre", constate Fabrice Balanche, spécialiste de la zone, directeur du groupe de recherche sur la méditerranée et le Moyen-Orient, interrogé par Europe1.fr. Composée de 200.000 hommes, rébellion compte aussi bien des civils ayant pris les armes que des djihadites rompus au combat. Quel groupe serait alors plus légitime qu’un autre à recevoir du matériel ?

L’ombre des djihadistes. C’est notamment la présence de djihadistes dans les rangs de la rébellion qui inquiète les vingt-sept. Si l’Union européenne fournie des armes aux rebelles, comment s’assurer que ce ne sont pas des djihadistes qui les utiliseront à d’autres fins que la libération du pays ? Récemment, neuf salafistes musulmans jordaniens ont tenté de passer la frontière pour aller combattre aux côtés de la rébellion.  

L’échec de la Libye bis. C’est aussi le spectre de l’échec en Libye qui plane sur le transfert d’armes aux opposants au régime syrien. "On a vu en Libye que la rébellion, comme le pouvoir, étaient armés par un certain nombre de pays et aujourd’hui on voit toutes ces armes circuler dans l’ensemble du continent africain et potentiellement déstabiliser des régions entières", rappelle, à Europe1.fr, Aymeric Elluin, responsable armes et impunité d’Amnesty France. "La difficulté est donc d’identifier de façon pérenne les bons destinataires", ajoute le responsable d’Amnesty France, qui craint que la Syrie ne devienne une nouvelle poudrière.

Les risques de vol par le camp adverse. Autre menace sur les armes fournies au x rebelles : le risque de voir les forces du régime s’en emparer. L’UE devra s’assurer que les stocks sont mis sous clefs et hors d’atteinte par le régime syrien ou des groupes extrémistes.

Le problème de la formation. Et si l’UE parvient à identifier des groupes fiables, qui s’engent à donner des garanties, il faudra que les combattants soient formés à l’utilisation du matériel. "Il faut espérer que si l’UE fournie des armes, il s’agira de matériel sophistiqué", estime le chercheur Fabrice Balanche. "Il faudra donc que quelqu’un les forme", ajoute-t-il.

La menace de représailles. Autre menace : les risques de représailles. La Russie pourrait décider de fournir davantage de matériel au régime, qu’elle soutient. Le transfert d’armes n’aurait donc pour effet que l’accroissement de la violence "qui mènerait à une sorte de guerre froide entre l’UE, d’un côté, et les Russes et la Chine, de l’autre, dont les victimes seront la population syrienne", craint Aymeric Elluin.

La France décrédibilisée ? Enfin, la levée de l’embargo marque l’échec des vingt-sept à trouver une solution pacifique à la crise syrienne et pourrait décrédibiliser l’engagement pris par la France sur le transfert d’armes. Lundi prochain, Paris devrait signer un traité de l’ONU, adopté début avril, visant à responsabiliser le commerce des armes dans le monde.