Quand la NSA surveillait Wanadoo et Alcatel

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a annoncé lundi avoir "convoqué immédiatement" l'ambassadeur des Etats-Unis à Paris après des informations selon lesquelles l'Agence de sécurité américaine (NSA) a intercepté massivement des communications en France.
Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a annoncé lundi avoir "convoqué immédiatement" l'ambassadeur des Etats-Unis à Paris après des informations selon lesquelles l'Agence de sécurité américaine (NSA) a intercepté massivement des communications en France. © Reuters
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Charles Carrasco et Arthur Helmbacher avec AFP , modifié à
Entre l'espace de 30 jours, 70,3 millions d'enregistrements de données téléphoniques des Français ont été effectués.

L'INFO. Aux Etats-Unis, la NSA appelle ce programme de surveillance le "US-985D". Derrière ce nom de code digne d'un film d'espionnage, figure bien un vaste programme de renseignement mené par l'agence américaine qui a intercepté de façon massive les communications téléphoniques des citoyens français, révèle lundi le quotidien Le Monde. 

Le chiffre. Si l'espionnage par l'agence américaine avait déjà été révélé, cette fois c'est l'ampleur de cette surveillance qui interpelle. Sur une période de trente jours, entre le 10 décembre 2012 et le 8 janvier 2013, 70,3 millions d'enregistrements de données téléphoniques des Français ont ainsi été effectués par la NSA, rapporte Le Monde.Le graphique de la NSA montre une moyenne d'interceptions de 3 millions de données par jour, avec des pointes à presque 7 millions les 24 décembre 2012 et 7 janvier 2013, précise le quotidien.

"Il semble évident que tout le monde peut avoir été espionné. On imagine que les agences de renseignement se concentrent au-delà de l'anti-terrorisme sur les activités économiques, politiques, diplomatiques", décrypte Rémy Ourdan, directeur adjoint du Monde, joint par Europe 1.

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Le gouvernement français veut des explications. Ces informations sont "choquantes" et "vont appeler des explications", a déclaré lundi le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, sur Europe 1. "Si un pays allié espionne la France, c'est totalement inacceptable", a ajouté le locataire de la place Beauvau. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a lui annoncé lundi avoir "convoqué immédiatement" l'ambassadeur des Etats-Unis à Paris, dès son arrivée à une réunion européenne à Luxembourg.

Quelles cibles ? Les documents donnent suffisamment d'explications pour penser que les cibles de la NSA concernent aussi bien des personnes suspectées de liens avec des activités terroristes que des individus visés pour leur simple appartenance au monde des affaires, de la politique ou à l'administration française.

Par ailleurs, selon les documents de la NSA, obtenus par Le Monde, l'agence américaine s'est intéressée de près, entre le 1er et le 31 janvier 2013, aux adresses de messagerie wanadoo.fr, ancienne filiale d'Orange qui compte encore 4,5 millions d'utilisateurs, et alcatel.lucent.com, l'entreprise franco-américaine de télécommunications.

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Quelles techniques de collecte ? Ces pièces, dévoilées en juin par l'ex-consultant de l'agence, Edward Snowden, décrivent les techniques utilisées pour capter illégalement les secrets ou la simple vie privée des Français, précise le quotidien du soir qui a pu consulter des documents confidentiels. La NSA dispose ainsi de plusieurs modes de collecte. Quand certains numéros de téléphone sont utilisés dans l'Hexagone, ils activent un signal qui déclenche automatiquement l'enregistrement des conversations. Cette surveillance récupère également les SMS et leur contenu en fonction de mots-clés. Enfin, de manière systématique, la NSA conserve l'historique des connexions de chaque cible.

Les techniques utilisées pour ces interceptions apparaissent sous les codes "DRTBOX" et WHITEBOX". Leurs caractéristiques exactes ne sont pas connues, selon Le Monde, mais on sait que grâce au premier code, 62,5 millions de données téléphoniques ont été collectées en France du 10 décembre 2012 au 8 janvier 2013 et que le second a permis d'enregistrer sur la même période 7,8 millions d'éléments.

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Pourquoi ce nom de code "US-985D" ? L'explicitation exacte de ce sigle n'a pas été fournie, à ce jour, par les documents Snowden ni par d'anciens membres de la NSA. A titre de comparaison, les sigles utilisés par la NSA pour le même type d'interception visant l'Allemagne sont "US-987LA" et "US-987LB". Cette série de numéros correspondrait au cercle qualifié par les Etats-Unis de "troisième partie" auquel appartiennent la France, l'Allemagne mais aussi l'Autriche, la Pologne ou encore la Belgique.

"La deuxième partie" concerne les pays anglo-saxons historiquement proches de Washington, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, connus sous le nom des "Five Eyes". "La première partie" est, elle, constituée des seize services secrets américains.

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