Pourquoi un singe dans l'espace ?

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Charles Carrasco et Aurélien Fleurot , modifié à
DECRYPTAGE - Pour l'Iran, ce vol est directement lié au développement de l'arme atomique.

L'INFO. L'Iran, future grande nation spatiale ? La République islamique a annoncé lundi qu'elle avait réussi à lancer une capsule avec, à son bord, un singe vivant. Ce lancement coïncide avec la date anniversaire du prophète Mahomet qui tombait la semaine dernière. C'est "un nouveau pas de géant" en matière de technologie spatiale et de recherche biologique qui sont "le monopole d'une poignée de pays", écrit dans un communiqué l'agence officielle Irna.

Dans la capsule. Selon les différents documents qui circulent, on peut observer un petit singe gris attaché sur un siège capitonné au moment de son embarquement dans la fusée "Kavosghar", baptisée "Pishgam" (Pionnier), et qui a atteint l'altitude de 120 km.

Info ? Intox ? L'information, qui constituerait une avancée majeure dans le programme spatial et balistique de la République islamique, n'a pas été confirmée de source indépendante. Aucune puissance occidentale n'avait signalé ce lancement. Auparavant, l'Iran avait seulement annoncé son intention d'envoyer un singe dans l'espace en 2011, mais les essais avaient échoué.

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Pourquoi un animal ? C'est un moyen traditionnellement employé par les grandes nations spatiales pour vérifier la capacité d'un être vivant à supporter ce vol avant d'envoyer des humains."L'Union soviétique, les Etats-Unis et la France ont démarré leurs programmes spatiaux en envoyant des animaux. L'Union soviétique c'était la chienne Laïka, les Américains c'était le singe Ham et les Français c'était un rat qui s'appelait Hector", rappelle Alain Cirou, le consultant "espace" pour Europe 1.

Quel message de l'Iran ? En annonçant le lancement réussi d'un vol suborbital, c'est-à-dire en fait l'envoi d'une parabole à 120 km d'altitude, les Iraniens "réussissent une opération de communication et de propagande en montrant que eux aussi sont décidés à rentrer dans la course des grandes nations spatiales en maîtrisant le vol habité", analyse Alain Cirou. "Le vol habité, c'est le top. On envoie un être vivant pour le ramener vivant. C'est symbolique. Mais ça ne dit pas grand-chose de la nature et de l'état du programme iranien. Ils disent qu'ils enverront des hommes dans l'espace. Mais ils sont loin d'y être. Il sont simplement capables d'envoyer un satellite d'une cinquantaine de kilos en orbite autour de la Terre avec un singe à 120 km d'altitude", tempère Alain Cirou. 

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Quel lien avec le programme nucléaire ? Une chose est sûre : aller dans l'espace est devenu pour l'Iran une priorité. Car derrière ça, c'est le développement de l'arme atomique qui est en jeu. "Le programme spatial est lié au développement de missiles stratégiques, balistiques, à longue portée, capable d'envoyer des charges conventionnelles mais aussi des armes atomiques à grande distance. C'est à la fois une belle démonstration d'intentions de puissance technologique et en même temps la confirmation que l'Iran est en train de se développer, de se doter d'une panoplie complète d'une grande nation nucléaire : une charge atomique et un vecteur, une fusée, pour le lancer à grande distance", affirme le consultant scientifique d'Europe 1.

Qu'en pense la communauté internationale ? Un constat partagé par les Etats-Unis qui s'inquiètent de cette avancée technologique. Ils ont prévenu lundi que l'Iran, s'il a bien réussi comme il l'affirme à envoyer un singe dans l'espace, a violé une résolution de l'ONU condamnant son programme balistique. "Tout lancement dans l'espace d'un engin capable de placer un objet en orbite est directement lié au développement de missiles balistiques de longue portée", a jugé la porte-parole du département d'Etat. Elle a réaffirmé que la "résolution 1929 du Conseil de sécurité de l'ONU interdisait à l'Iran de mener toute activité liée à des missiles balistiques capables de porter des armes nucléaires".