La circoncision remise en cause en Allemagne

La circoncision concerne chaque année plusieurs milliers de garçons en Allemagne, pour la plupart juifs ou musulmans.
La circoncision concerne chaque année plusieurs milliers de garçons en Allemagne, pour la plupart juifs ou musulmans. © MAXPPP
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avec agences
Une décision judiciaire, qui pourrait faire jurisprudence, fait des vagues chez les musulmans et juifs du pays.

Outre-Rhin, elle concerne chaque année plusieurs milliers de garçons, pour la plupart juifs ou musulmans. Pourtant, la circoncision est désormais remise en cause en Allemagne. Dans un jugement qui devrait faire jurisprudence, le tribunal de grande instance de Cologne a estimé mardi que la circoncision d'un enfant pour des motifs religieux était une blessure corporelle passible d'une condamnation. Depuis 48 heures, les communautés religieuses sont vent debout.

"Grave atteinte" à la liberté religieuse

Le Conseil de coordination des musulmans en Allemagne a ainsi dénoncé une "grave atteinte" à la liberté religieuse. "Le jugement ne prend pas du tout en considération, la pratique religieuse menée depuis des millénaires au niveau mondial concernant la circoncision des jeunes musulmans et juifs", a déploré Ali Kizilkaya, porte-parole de cette association, qui compte quatre millions de membres en Allemagne. Pour l'organisation musulmane, avec cette décision de justice, l'Allemagne "criminalise" des coutumes islamiques et juives millénaires.

L'indignation est la même dans la communauté juive. Le Conseil central des juifs d'Allemagne voit dans cette décision judiciaire une "intervention gravissime et sans précédent dans les prérogatives des communautés religieuses". Le président du conseil, Dieter Graumann, a dès lors exigé que les députés allemands légifèrent sur la question pour éviter des atteintes à la liberté religieuse. Une inquiétude partagée côté français par Richard Prasquier, Président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). "C'est une décision lourde de conséquences", a-t-il déclaré mardi sur Europe 1, estimant qu'elle "touche à ce qui est à la base même de la pratique religieuse".

La communauté chrétienne allemande, pourtant pas concernée au premier chef, s'est elle aussi montrée sceptique, l'évêque catholique d'Aix-la-Chapelle Heinrich Mussinghoff qualifiant ce jugement de "très surprenant". Le président de l'Eglise protestante en Allemagne (EKD) qui représente une vingtaine d'églises réformées, Hans Ulrich Anke, réclame de son côté une rectification du jugement qui selon lui, ne prend "pas suffisamment" en compte la signification religieuse de la circoncision et dépossède les parents de leur droits, "précisément en matière d'affaires religieuses".

"Contraire à l'intérêt de l'enfant"

Le tribunal de Cologne a estimé mardi que "le corps d'un enfant était modifié durablement et de manière irréparable par la circoncision " et que "cette modification est contraire à l'intérêt de l'enfant qui doit décider plus tard par lui même de son appartenance religieuse".

La justice allemande avait été saisie du cas d'un médecin généraliste de Cologne qui avait circoncis un petit garçon de 4 ans à la demande de ses parents musulmans. Or, quelques jours après l'intervention, l'enfant avait dû être admis aux urgences pour des saignements. Le parquet de la ville avait alors engagé des poursuites contre le médecin. Ce dernier avait été relaxé en première instance puis en appel, le tribunal arguant du fait qu'à l'époque des faits il n'était pas en mesure de déterminer s'il agissait illégalement. "L'erreur (du médecin) était inévitable", a jugé le tribunal de Cologne.

Une garantie pour les médecins ?

Sa décision n'interdit toutefois pas l'acte à des fins médicales, et constituerait même une garantie pour les médecins allemands. Cette décision judiciaire est "extrêmement importante pour les médecins car ils ont pour la première fois une base légale sur laquelle s'appuyer", a expliqué un expert en droit, Holm Putzke, dans le Financial Times Deutschland. Selon lui, "aucun médecin ne pourra plus à l'avenir prétendre avoir cru qu'il devait circoncire un enfant pas encore en âge de décider pour des raisons religieuses".