La blogueuse syrienne Amina n'a jamais existé

Sur Facebook, des appels à la libération de la bloggeuse avaient été lancés.
Sur Facebook, des appels à la libération de la bloggeuse avaient été lancés. © Capture d'écran via Facebook
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Un homme a reconnu dimanche être l'auteur du blog de l'"opposante syrienne" soit-disant enlevée.

Amina Abdallah Araf al Omari avait soi-disant "disparu", en fait, elle n'a jamais existé ! Dans un post intitulé Excuses aux lecteurs, Tom MacMaster a confessé dimanche soir être le seul auteur de tous les posts du blog A Gay girl in Damascus - Une lesbienne à Damas - présenté depuis des mois comme celui d'une opposante syrienne homosexuelle.

"Je ne pense pas avoir fait de mal à quiconque", écrit Tom MacMaster, qui dit se trouver à Istanboul. Pour se justifier, l'homme dit avoir simplement voulu sensibiliser les Occidentaux aux événements en Syrie.

Le blog d’Amina est donc un hoax, une "cyber-supercherie". Au fil des mois et au gré de la révolte syrienne, Amina A. était pourtant devenue, à l'étranger notamment, l’une des voix de la dissidence au régime de Bachar El-Assad, "l’ultime outsider" comme "elle" se définissait. En mai dernier, le quotidien britannique The Guardian allait d'ailleurs jusqu’à la qualifier d’"héroïne de la révolte syrienne".

Son "enlèvement" a mis le feu aux poudres

Jusqu’à lundi, l’identité de l’auteur du blog A Gay Girl in Damascus ne faisait pas vraiment débat. Dans son premier post, en février 2011, la "blogueuse" se présentait comme une Américano-syrienne ayant choisi de vivre à Damas après un mariage raté et un coming out l’année de ses 25 ans.

Mais lundi, un post a semé la panique puis le trouble sur la toile. Celui-là n’était pas d’Amina. L’auteur se présentait comme sa cousine. D’après elle, la jeune femme avait été kidnappée en pleine rue quelques heures plus tôt par trois hommes armés, "des membres des forces de sécurité". La blogosphère s’était aussitôt mobilisée : pour venir en aide à Amina, blogueurs et journalistes ont, dès lors, cherché à en savoir plus sur elle.

Les photos d'"Amina" étaient celles d'une Britannique

C'est au fil des cyber-investigations, et alors que la mobilisation en faveur de la blogueuse éclipsait quasiment la répression en Syrie, que les doutes ont commencé à naître. La photo qu'Amina avait fait parvenir au Guardian pour illustrer son portrait se révélait ainsi être celle d’une Londonienne assurant ne pas connaître Amina.

Cacher sa véritable identité est, certes, un procédé classique pour les dissidents politiques... Le problème c'est que, depuis lundi, personne n’avait confirmé avoir rencontré Amina… exception faite, bien sûr, de sa cousine Rania. Les journalistes de CNN et du Guardian qui l'ont interviewé ont ainsi échangé avec elle uniquement par mails.

Des doutes dès avril

Des soupçons sur l’authenticité du blog avaient déjà émergé en avril. Dans un post, intitulé My Father, the Hero - Mon père, ce héros - la blogueuse racontait comment son père avait empêché deux agents de sécurité de l’arrêter. Beaucoup d’internautes avaient été "émus aux larmes" par le récit. Mais le post avait aussi suscité quelques commentaires dubitatifs de la part de Syriens : "es-tu sûre que c’est arrivé en Syrie ?" écrivait l’un d’eux, tandis qu’un autre relevait : "ce n’est pas cohérent".

Il ne s'agit pas du premier hoax de l'histoire d'Internet. De 1999 à 2001, une Américaine, Debbie Swenson, avait alimenté un blog en se faisant passer pour une jeune fille atteinte d’une leucémie. En 2003, la blogosphère s’émouvait du journal en ligne de Plain Layne avant de découvrir que la jeune femme bisexuelle victime d’un viol était en fait… un homme.