Francesco Schettino, capitaine déchu

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Morgane Tual , modifié à
PORTRAIT - Le commandant du Concordia est aujourd'hui l'homme le plus détesté d'Italie.

C'est avec une immense indignation que les Italiens ont découvert mardi le comportement de Francesco Schettino, au moment du naufrage de son bateau. Son échange avec les secours, retranscrit dans la presse, montre un homme lâche, dénué de sang-froid, dépassé par les événements et hors de contrôle. Pire : il est accusé d'avoir abandonné son navire.

Tout l'inverse de l'archétype du capitaine idéal. Et pourtant, Francesco Schettino avait tout pour le devenir. Né il y a 52 ans sur la côte amalfitaine, entre Naples et Salerne, il est élevé par une famille de marins. Son frère et ses cousins naviguent tous, sa mère descend d'une lignée d'armateurs.

"Crâneur", "casse-cou", "autoritaire"

Il intègre naturellement une école d'officiers de marine et entame sa carrière sur des ferries et des pétroliers, avant de se lancer dans la croisière. En 2002, il rejoint la compagnie Costa Croisières et devient capitaine quatre ans plus tard. "Francesco adore la mer", a déclaré sa sœur, Giulia, au journal Il Matino. Depuis, sa famille refuse de donner des interviews.

Et pour cause. Francesco Schettino est aujourd'hui considéré comme l'homme le plus détesté d'Italie. Difficile alors d'établir son profil, de cerner sa personnalité. Des bribes de témoignages émergent ici et là, retranscrits par la presse italienne. "Crâneur", "autoritaire", "casse-cou", "charmeur", "blagueur", "exubérant"… Tels sont les mots utilisés pour le décrire.

D'autres incidents

Si Francesco Schettino a décidé de changer la route initialement prévue, c'était pour faire plaisir à un membre d'équipage. En s'approchant de Giglio, il comptait "saluer" la famille de ce serveur, qui habitait sur l'île. Pour y parvenir, il aurait, selon les informations du Point, débranché le système de navigation automatique, qui aurait permis de détecter les rochers. Il a également mis les alarmes hors service et menti à la garde côtière en invoquant une simple panne de courant.

Depuis quand se permettait-il ce genre de "fantaisie" ? Le 17 décembre dernier, Francesco Schettino avait déjà fait preuve d'imprudence en bravant un vent de 60 nœuds en plein port de Marseille. En 2008, il avait légèrement entaillé le Concordia en arrivant à Palerme par mauvais temps. Des incidents qui n'avaient pas entraîné de sanctions de la part de Costa Croisières.

"J'aime quand quelque chose d'imprévisible arrive"

"Je n'aurais pas aimé être le capitaine du Titanic, à devoir naviguer au milieu des icebergs", avait-t-il déclaré en 2010 dans sa seule interview connue, au journal Tchèque Dnes. "Mais aujourd'hui, tout est plus sûr. C'est plus facile de naviguer avec les instruments techniques modernes et internet". Avant d'ajouter : "je crois qu'avec une bonne préparation, n'importe quel problème peut-être surmonté".

Quand le journaliste l'interrogeait sur l'impact du film Titanic sur la popularité des croisières, Francesco Schettino répondait que, "heureusement, les gens oublient rapidement les tragédies. C'est comme les crashs d'avion. Tout le monde croit que ça n'arrive qu'aux autres." Visiblement, lui aussi. "J'aime quand quelque chose d'imprévisible arrive, quand on peut s'écarter un peu des procédures habituelles".

Cette fois, l'Italie ne lui pardonnera sans doute pas ses écarts. Poursuivi pour homicides multiples, naufrage et abandon de navire, il risque une lourde peine de prison.