Cent fois plus de cancers à Fukushima ?

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avec Anthony Dufour, correspondant d'Europe 1 en Asie et Reuters , modifié à
REPORTAGE - Un petit groupe de médecins tentent d’évaluer les effets des radiations sur la population locale.

Trois ans après la catastrophe, les stigmates du tremblement de terre et du tsunami sont encore là. Mais tous ne sont pas visibles. Un petit groupe de médecins tentent d’évaluer les effets des radiations sur la population locale et de savoir si le nombre de cancers a explosé depuis la catastrophe. Selon les premières évaluations, le nombre de cas aurait été multiplié par cent.

>> Le correspondant d’Europe 1 en Asie s’est rendu à Fukushima pour rencontrer ces médecins qui enquêtent sur ce sujet tabou, que les médias japonais n’osent pas aborder.

"Ils essaient de cacher la vérité". C’est dans une petite clinique de quartier, de la ville de Fukushima, devenue un repère pour les familles inquiètes, que se rendent les patients pour subir des tests. Un adolescent, accompagné de ses parents, attend pour passer une échographie de la thyroïde. Les médecins lui ont récemment détecté un kyste, un signe d’un possible cancer.

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Michiko Ishikawa, 53 ans, subit une batterie d''examen au centre médical de Yonezawa, dans le nord du Japon.

"Maintenant on a des dizaines d’enfants qui ont des cancers de la thyroïde", confie l’un des médecins au micro d’Europe 1. "Les chiffres sont très élevés mais les officiels ne disent rien. Je pense qu’ils essaient de cacher la vérité", ajoute-t-il.

Un discours officiel très différent. A l’hôpital public de la ville, le gouvernement a installé un centre d’études des populations irradiées. Mais pour le médecin en charge de cette cellule, il n’y a aucun lien entre l’irradiation et les cas de cancers. "Quand on examine les gens, bien sûr qu’on peut trouver des cancers, mais ce ne sont pas des cancers causés par la radioactivité et surtout pas l’accident nucléaire d’il y a trois ans", tente-t-il d’expliquer.

Ce décalage entre la médecine officielle et la médecine indépendante est difficile à comprendre pour la population. A une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de la centrale de Fukushima, à Koriyama, les parents restent prudents.  Les bambins savent à peine ce que signifie jouer en plein air.  La peur de la radioactivité les a consignés dans leur maison depuis leur naissance.

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Une institutrice mesure le taux de radioactivité de sa salle de classe.

Des enfants qui vivent dans l’inquiétude. Les strictes limites imposées après la catastrophe du 11 mars 2011 ont pourtant été assouplies mais la force de l'habitude combinée aux inquiétudes des parents signifie que de nombreux enfants vivent ici sans mettre le nez dehors. Trois ans après le plus grave désastre du nucléaire civil depuis Tchernobyl, les conséquences se font sentir: les enfants connaissent des pertes d'énergie, des problèmes de coordination ou d'irascibilité, témoignent des éducateurs.

"Certains enfants sont très craintifs. Avant de manger quoi que ce soit, ils me demandent toujours: 'Est-ce qu'il y a de la radioactivité dedans?'" déclare Mitsuhiro Hiraguri, directeur de la crèche Emporium à Koriyama. "Il y en a d'autres qui veulent vraiment jouer à l'extérieur. Ils disent qu'ils veulent jouer dans le bac à sable, faire des pâtés de sable. On doit refuser. Leur dire: désolé, joue plutôt dans le bac à sable à l'intérieur."

Des mesures de restriction assouplies. Après l'accident, la municipalité de Koriyama a recommandé que les enfants de moins de deux ans passent moins de 15 minutes par jour dehors. Ceux âgés de 3 à 5 ans avaient droit à 30 minutes maximum. Ces limitations ont été supprimées en octobre dernier, mais la plupart des écoles maternelles ou des crèches continuent de les appliquer, ce qui correspond au souhait des parents.

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Ces petits appareils au format "poche" permettent de mesurer la radioactivité et sont utilisés dans les universités et les hôpitaux.

Un niveau de radiation encore élevé. Même si une hausse du nombre de cancers de la thyroïde chez les enfants avait été corrélée à l'accident de Tchernobyl en 1986, les Nations unies ont déclaré en mai dernier ne pas s'attendre à une hausse du taux de cancers après Fukushima.

Les niveaux de radiation autour de la crèche Emporium de Koriyama s'élèvent aujourd'hui à environ 0,12-0,14 microsieverts par heure, contre 3,1 à 3,7 il y a trois ans. Ils restent inférieurs au seuil de sûreté fixé par les autorités japonaises - 1.000 microsieverts par an -, mais peuvent varier très fortement et sans raison apparente, ce qui justifie l'inquiétude des parents.

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