Ce qu'on sait du lynchage à Madagascar

C'est sur plage de l'île touristique que se sont déroulés les faits. (Photo d'illustration)
C'est sur plage de l'île touristique que se sont déroulés les faits. (Photo d'illustration) © MAXPPP
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avec Pierre de Cossette et AFP , modifié à
L'ESSENTIEL - Le parquet de Bobigny a ouvert une enquête préliminaire après le lynchage de deux Français à Nosy Be.

L'INFO. Des zones d'ombre demeurent. Après le lynchage jeudi de trois hommes, dont deux Français, sur l'île de Nosy Be, à Madagascar, l'enquête progresse du côté des autorités malgaches, qui ont arrêté au total 26 personnes. En France, une enquête préliminaire pour "homicide volontaire" a été ouverte par le parquet de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, le département où vivait l'une des victimes, Sébastien Judalet. Que vont pouvoir faire les pouvoirs publics français ?

Les faits. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le cadavre mutilé d'un enfant porté disparu depuis près de six jours est retrouvé sur une plage de cette île touristique. Jeudi, la population décide de se faire justice : la foule lynche trois hommes tenus pour responsables du meurtre de l'enfant, et les brûle. Les deux premières victimes sont française et franco-italienne. La troisième victime, tuée jeudi soir, est un Malgache, oncle de l'enfant.

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L'enquête malgache. Samedi, les gendarmes malgaches ont annoncé avoir procédé à l'arrestation de 19 personnes. Sept autres personnes sont arrêtées dimanche matin, "soit sur la base de dénonciations, soit parce qu'ils ont été vus sur des photos". Dans un premier temps, les autorités, ainsi que de nombreux habitants de l'île, avaient expliqué que les deux Européens étaient accusés par la foule de "trafic d'organes". Une accusation restée très vague, et que rien n'était venu étayer. Il pourrait aussi s'agir d'un avatar du mythe des "mpaka fo", ou arracheur de cœur, une vieille rumeur selon laquelle les Occidentaux arracheraient le foie ou le cœur des Malgaches, aux dépens desquels ils s'enrichiraient.

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L'enquête française. Côté français, le parquet de Bobigny a ouvert une enquête préliminaire pour "meurtre". Il s'agit d'une enquête de police sur la mort de la victime française, qui habite en Seine-Saint-Denis.  Les gendarmes de la section de recherches de Paris enquêtent sur la mort de cet homme, salarié de la RATP, inconnu de la justice française. L'enquête a été ouverte vendredi, en vertu de la "compétence universelle", qui autorise la justice à enquêter sur le meurtre d'un ressortissant français à l'étranger. En ouvrant une enquête, le parquet de Bobigny change donc un peu la donne. Les gendarmes vont enfin pouvoir commencer à travailler avec leurs propres moyens. Mais dans l'hexagone seulement.

Les marges de manœuvre des enquêteurs français. Les enquêteurs français vont ainsi pouvoir entendre eux-mêmes les proches de Sébastien Judalet, ses amis, sa famille. Ils demanderont notamment pourquoi il se rendait à Nocy Be et s'il y avait à ses habitudes. L'enquête consistera également à se pencher sur les rumeurs de trafic d'organes et de pédophilie. Selon les informations d'Europe 1, le père de Sébastien Judalet, totalement anéanti, ne comprend pas un instant les soupçons contre son fils. L'essentiel de l'enquête se passera à Madagascar. Mais pour que la France puisse investiguer là-bas, il faudrait qu'un juge d'instruction soit nommé à Bobigny. Et même avec une commission rogatoire internationale, ce sont les gendarmes malgaches, et non français, qui enquêteraient à la demande du magistrat.