Espionnage : une "dérive sans précédent"

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Associations et professionnels du Web s'inquiètent des conséquences de la future loi de programmation militaire.

La LPM devant le Sénat. La loi de programmation militaire (LPM), votée le 3 décembre à l'Assemblée Nationale, doit être examinée mardi 10 décembre par le Sénat. Mais une partie de cette mesure, l'article 13, est loin de faire l'unanimité : celui-ci se focalise sur le renforcement de l'accès des services de renseignements intérieurs, de police et de gendarmerie aux données téléphoniques et informatiques pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé.

Qu'est-ce qui change ? La LPM prévoit notamment d'offrir aux autorités compétentes "un accès en temps réels aux données Internet", ce qui n'était jusqu'ici possible qu'a posteriori. Le projet de loi étendrait  également "l'accès aux informations privées de connexion pour des motifs plus large que le seul risque terroriste". En clair, on pourra savoir où vous étiez en direct et les sites que vous avez consulté sur Internet. Et un juge ne serait plus nécessaire pour autoriser ces demandes d'informations.

>> De nombreuses voix se sont élevées pour contester ce passage de la loi. Le Conseil national du numérique, la Cnil et, dernièrement, Marine Le Pen s'insurgent contre une mesure qu'ils jugent bien trop intrusive. Morceaux choisis.

"Un roman de George Orwell". La présidente du Front National a comparé la LPM au le célèbre roman de science-fiction "1984" de George Orwell. "Les ministères de l'intérieur, de la Défense ou de Bercy pourront collecter les communications sans autorisation préalable et sans contrôle d'un juge !", s'est indignée Marine Le Pen. Cette dernière a pointé du doigt le champ d'action "très très large" des autorités concernées "pour aller chercher des données personnelles sans autorisation. (…) Ceci est extrêmement grave pour les libertés publiques, individuelles" a ajouté la présidente du parti d'extrême droite.

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"Une dérive sans précédent". L'association Quadrature du Net, qui  défend les droits et les libertés sur Internet, a également critiqué, dans un communiqué, cette mesure : "ce texte marque une dérive sans précédent vers la généralisation de la surveillance sur Internet. En l'état, il permet la capture en temps réel sur simple demande administrative et sans mandat judiciaire des informations et documents traités dans les réseaux concernant tout un chacun". Pour l'association, si ces mesures existaient déjà, elles étaient jusqu'ici davantage encadrées et surtout, l'article 13 de la LPM "rend permanents des dispositifs qui n'étaient que temporaires". La Quadrature du Net "appelle solennellement les parlementaires à refuser cette atteinte aux droits fondamentaux au cours de la deuxième lecture de ce texte", a conclut Philippe Aigrain, cofondateur de l'association.

"Ne pas mettre tout le monde au garde-à-vous". Le "think tank" Renaissance Numérique a utilisé la métaphore militaire pour qualifier la LPM : "Ce n'est pas parce qu'une loi s'appelle 'programmation militaire' qu'elle doit mettre tout le monde au garde-à-vous !". L'organisation a fustigé une loi "qui permet une surveillance accrue et généralisée des citoyens" et "réduit Internet à une zone où sont foulés aux pieds des principes démocratiques et la vie privée de chacun".

Les opérateurs téléphoniques s'inquiètent. La Fédération française des télécoms, qui réunit les opérateurs français (excepté Free Mobile), a également fait part de sa réticence à l'application d'une telle mesure. Pour la FFT, dans sa forme actuelle, "l'article 13 installe ainsi un dispositif permanent de surveillance (…) en temps réel'". Une loi qui empêcherait la fédération de "garantir le respect de la vie privée des consommateurs et citoyens".

La Cnil seulement consultée. Si la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a donné son avis préalable sur certains articles de la LPM, l'article 13 n'en fait pas partie. La Cnil a d'ailleurs tenu à rappeler qu'elle "dispose de la compétence de contrôle a priori et a posteriori de ces traitements (…) et pourra réaliser des contrôles sur place inopinés afin de s'assurer du respect des libertés individuelles".

 

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