Valises, fonds occultes et partis politiques

Affaires Bourgi : en quoi consistent ces "mallettes" d'argent ?
Affaires Bourgi : en quoi consistent ces "mallettes" d'argent ? © MAXPPP
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Hélène Favier et Marc Messier , modifié à
Focus sur ces mallettes d’argent qui, selon Robert Bourgi, ont circulé entre l’Afrique et la France.

"L’histoire de la Ve République est émaillée de révélations comme celles-ci", reconnaît un spécialiste de l’Afrique, commentant les accusations de Robert Bourgi, dimanche dans le Journal du Dimanche. En accusant le candidat Chirac d'avoir été inondé d'argent africain, cet ex-avocat de 66 ans a mis en lumière une pratique de financement occulte des partis politiques dite "des valises" de la "Françafrique". En quoi consiste ce système ? Europe1.fr vous livre des éléments de réponses.

DES INTÉRÊTS BIEN ENTENDUS

En quoi consiste ce financement occulte ? - Le système des valises, pile d’argent liquide remontée des pays africains aux partis politiques français, peut s’apparenter à un échange de bons procédés. D’un côté, les dirigeants africains fournissent des fonds (pouvant se chiffrer à plusieurs millions) pour le financement des campagnes électorales françaises. De l’autre, les hommes politiques français s’engagent, une fois élus, à assurer la stabilité de ces Etats "amis".

A quoi servait ce système ? - Pour résumer, il s’agit d’une "sorte d’assurance tous-risques" pour les dirigeants africains incluant la sécurité personnelle du donateur jusqu'à la défense de son pays avec l'installation de bases militaires françaises. Les politiques français s'engageaient aussi à fermer les yeux sur les petites et grandes dérives de leurs protégés, qu’elles soient personnelles ou qu’elles visent p- par exemple - à censurer leurs opposants politiques.

Qui sont les porteurs de valises ? - Ce sont en général des émissaires non officialisés sur lesquels les chefs d’Etat s’appuient pour bénéficier de leurs réseaux."Robert Bourgi par exemple, c’est quelqu’un sur qui Nicolas Sarkozy a pu compter lors de la libération de Clotilde Reiss, un temps détenue en Iran. Bref, ce sont des gens sur lesquels la République se repose, quand ses propres réseaux sont impuissants", explique, lundi à Europe1.fr, Frédéric Lejeal, spécialiste de l’Afrique et rédacteur en chef de La lettre du contient. Hommes de l’ombre, ils peuvent - comme Robert Bourgi l’affirme - servir de messagers pour des financements occultes.

UN SYSTEME VIEUX DE PLUS DE 60 ANS

Quand cela a-t-il débuté ? - "On suppose que ce système de financements a débuté pendant la Seconde Guerre mondiale. Des réseaux se sont alors mis en place avec les dirigeants de la France libre",  raconte Frédéric Lejeal avant d’ajouter : "Ces pratiques ont ensuite servi à financer la politique française, pendant des années, toutes couleurs confondues".

Ce système perdure-t-il ? - "Les réseaux de la Françafrique se sont délités. Aujourd’hui, ils sont déstructurés et ne sont plus indispensables pour les dirigeants africains. Ils n’existent plus sous la même forme", juge le rédacteur en chef de La lettre du continent. "Les lois passées dans les années 1990 - qui assurent un contrôle plus rigoureux des finances des partis et plafonnent les dons par personne (lire notre article : comment se financent les partis)- ont bien changé la donne", poursuit-il.

Mais l'ex-chiraquien Jean-François Probst est d’un autre avis. Lundi, il affirme dans Le Parisien que ce système a perduré, au moins jusqu’à la dernière campagne électorale. "Robert Bourgi s'est dépensé sans compter pour Sarkozy auprès de nombreux chefs d'Etats africains lors de la présidentielle de 2007", accuse-t-il. Il "a refait un deal avec Omar Bongo, qui lui aurait donné - dit-on - 1 milliard de francs CFA", a encore assuré Jean-François Probst, grand habitué, comme Robert Bourgi, des capitales africaines.

Reste que ces financements occultes, "si ils existent toujours, ne se présentent plus de la même manière", analyse Frédéric Lejeal. "Les lois passées dans les années 1990 pour assainir le financement des partis politiques ont bien changé la donne, poursuit-il. Si ces fonds occultes existent toujours, ils utilisent aujourd’hui des mécanismes beaucoup plus subtiles avec des comptes off-shore, des méthodes sur lesquelles, il est très difficiles d’enquêter".