Une fac portugaise... dans le Var

La plainte de Geneviève Fioraso concerne une éventuelle "utilisation abusive" du mot université.
La plainte de Geneviève Fioraso concerne une éventuelle "utilisation abusive" du mot université. © Capture d'écran France TV
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La ministre porte plainte contre cet établissement qui contourne les règles françaises.

Vous avez raté le concours d'entrée à l'université de pharmacie ? Pas grave, vous pouvez aller étudier dans une école portugaise… tout en restant dans l'Hexagone ! L'université privée Fernando Pessoa (UFP) a en effet ouvert ses portes le 12 novembre, près de Toulon, dans le Var. Les étudiants peuvent y apprendre l'odontologie, la pharmacie et l'orthophonie, avec un diplôme à la clé, sans passer par la case concours officiel français. Ce qui ne plait pas, mais alors pas du tout au monde universitaire français, ni à la ministre de l'Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, qui a saisi la justice mercredi.

La plainte concerne une éventuelle "utilisation abusive" du mot université, et "la réponse partielle à l'obligation de déclaration préalable d'ouverture auprès du recteur du représentant de l'Etat dans le département, du procureur".

"Un enseignement à deux vitesses"

Geneviève Fioraso

© Reuters

Le tort de l'université portugaise ? Contourner le numerus clausus. En France, les étudiants en pharmacie sont en effet sélectionnés selon les besoins de la profession. L’Université de Fernando Pessoa accepte, elle, ses étudiants sur dossier, sans en tenir compte… mais pour la modique somme de 9500 euros. En vertu du droit européen, le diplôme est ensuite valable en France. "C'est une façon pas très déontologique de s'appuyer sur la légitime déception d'étudiants qui ont raté leur concours, de les taxer au passage car ce sont des écoles très payantes, et de leur proposer des formations qui ne sont pas habilités officiellement", accuse la ministre.

"Cette université propose presque d’acheter son diplôme", s’était insurgé il y a un mois Réda Amrani-Joutey, président de l’Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France (ANEPF), dans les colonnes du Quotidien du pharmacien et d'ajouter qu'il redoutait "un enseignement à deux vitesses", un pour les "riches" et un pour les "pauvres". "D’après nos homologues portugais les formations sont nivelées par le bas et une grande partie des étudiants quitte la faculté avant la fin de leur cursus", avait-il renchéri.

Qu'en pensera la justice européenne ? 

L'université privée portugaise a dénoncé jeudi une réaction "xénophobe et jacobine". "Malheureusement, la majorité des Français continue de voir le Portugal comme le pays de la valise en carton, des maçons et de ces Portugais qui menaient une vie très dure dans les années 1960 et 1970 dans les bidonvilles de Paris. Ce Portugal n'existe plus", a clamé le responsable de l'institution basée à Porto, la grande ville du nord du pays.

"La filière française est trop sélective, s'était auparavant défendu Jacques Lachamp le responsable du département pharmacie de l’université portugaise, cité par Le Figaro. Nous donnons une seconde chance aux passionnés qui échouent au concours". Ce dernier se dit confiant, et assure que l'Université de Fernando Pessoa remplit toutes les conditions légales. Cette dernière se dit toutefois "éventuellement prête à s'adapter et à s'appeler institut ou universidad".

Mais elle brandit la menace d'une saisie de la Cour de justice européenne, arguant que la loi française pourrait être non conforme au droit européen. "Et même si l’État français décide de ne pas reconnaître notre diplôme, les employeurs pourraient très bien être intéressés par un diplômé portugais", conclut Jacques Lachamp. "En France, l'Etat est trop fermé et détient encore le monopole de l'enseignement supérieur" et ne s'est pas adapté à la "liberté du marché européen", a-t-il renchéri jeudi le recteur de l'université de Porto, cité un peu plus tôt par l'édition en ligne du quotidien Publico.