Tournantes : un accusé dénonce un procès "à charge"

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et Guillaume Biet , modifié à
TÉMOIGNAGE E1 - Cédric, l'un des accusés, explique pourquoi il voulait un procès public.

L'ouverture du procès en appel de l'affaire des "tournantes" mardi apporte déjà son lot de polémiques. La première journée a en effet été marquée par une série de rebondissements : l'une des victimes s'est retirée du procès, un des accusés manquait à l'appel. Et surtout, le président a prononcé le huis clos de droit, conformément à la demande de Nina, désormais seule partie civile. Plus d'une décennie après les faits, un an après un verdict polémique, l'affaire des "tournantes" des cités de Fontenay-sous-Bois est donc de retour devant la justice dans un climat particulièrement tendu.

Comme l'an dernier, le procès se tiendra à l'abri des caméras et des journalistes. Soutenus par l'avocat général, tous les accusés ont pourtant réclamé mardi un procès public. Parmi eux, l'un s'est directement adressé à la Cour d'assises pour mineurs de l'Essonne pour demander ce débat public. Il s'appelle Cédric. Père de famille et chef d'entreprise il est aujourd'hui âgé de 31 ans. En première instance, il avait été condamné à 5 ans de prison, dont 4 ans et demi avec sursis. Le trentenaire, qui a fait appel du jugement, clame depuis son innocence.

>> Il a accepté de se confier au micro d'Europe 1. Pour lui, un procès public aurait permis de révéler au grand jour les failles de ce dossier.

"Ils ne peuvent pas constater ce qu'il se passe". "Les gens qui voient ce qu'il se passe, mais à travers leur télé, je comprends leur sentiment à notre égard. Ils ne sont que derrière leur écran, ils ne peuvent pas constater ce qu'il se passe réellement à l'intérieur. C'est pour ça que j'aurai voulu que ce soit ouvert au public, pas seulement à la presse, mais tous ceux ont envie d'entendre l'histoire des tournantes de Fontenay-sous-Bois. Pour pouvoir pointer d'eux même les nombreuses incohérences et contradictions de ce dossier", commente Cédric au micro d'Europe 1.

"J'aurai voulu que ce soit ouvert au public" :

Tournantes : "tout est à charge" pour l'un des...par Europe1fr

Le verdict en première instance (dix acquittements et quatre condamnations) avait en effet provoqué la colère et l'indignation des associations féministes, dénonçant "un permis de violer" ou "un naufrage judiciaire pour les femmes". Amar Bouaou, l'avocat de la défense, estimait pour sa part que ces commentaires étaient liés à une méconnaissance du dossier. "Si l'audience avait été publique, personne n'aurait été choqué par un acquittement général", commentait-t-il en octobre 2012.

"Tout est à charge". Cédric souhaite donc aujourd'hui soulever les faiblesses du dossier et notamment de l'instruction. "Les enquêteurs auraient dû faire leur travail et non pas bâcler comme ça a été fait. Il n'y a aucun élément à décharge dans cette affaire. Tout est à charge. Quand je vous ai dit que je ne  pouvais pas y avoir participé, c'est parce que j'habitais dans la région de Marseille, et à aucun moment, les enquêteurs n'ont été vérifier quoi que ce soit. Aujourd'hui, je me représente en appel. Et c'est moi qui ai dû rapporter les certificats de scolarité qui confirment que j'étais bien dans la région PACA durant les années des faits dénoncés", détaille le jeune homme.

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A l'époque du verdict l'avocate des deux jeunes filles avait elle-même reconnu une instruction mal ficelée. "L'instruction a été extrêmement mal faite, tout le monde a pu s'accorder sur ce point", avait commenté me Laure Heinich. Même son de cloche du côté de Me Alexandre Deviller, dont le client fait partie des condamnés. Pour lui, le dossier était "vide et bâclé". L'affaire, concernant les viols collectifs présumés commis entre 1999 et 2001, a éclaté en 2005, c'est-à-dire 6 ans après les faits. Il s'est donc avéré très délicat de prouver les faits.

19.09 Nina procès assises tournantes. 930620

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"Il y a eu un gros malaise dans ce dossier". Pour autant, Cédric se dit inquiet du verdict en appel. En première instance, la cour avait prononcé dix acquittements et quatre condamnations, deux à cinq ans de prison dont quatre avec sursis, une à cinq ans dont quatre ans et demi avec sursis et la dernière à trois ans avec sursis. "Le résultat ne peut que me faire peur étant donné ce que j'ai vécu l'année dernière. J'étais tellement sûr de moi que je me suis dit : on est en France, il y a une justice, et la justice sera faite. En l'occurrence, j'ai été condamné, à six mois, pour un viol. Ça prouve bien qu'il y a eu un gros malaise dans ce dossier parce que six mois pour un viol ce n'est pas ce que ça vaut", estime Cédric.

Et de conclure : "alors je peux comprendre que l'opinion publique se permette de dire que les peines ne sont pas à la hauteur du réquisitoire. Mais à partir du moment où ces personnes n'ont pas été à l'intérieur de ce procès pour voir comment ça a pu se passer. Je ne peux pas comprendre qu'on puisse se permettre des remarques comme ça."

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