Terrorisme : l'ex-physicien embarrassé

Le frère d'Adlène Hicheur s'est rendu au procès.
Le frère d'Adlène Hicheur s'est rendu au procès. © Max PPP
  • Copié
avec AFP , modifié à
Face aux juges, il s'est défendu jeudi d'avoir envisagé des attentats contre la France.

"C'est la seule zone de turbulence que j'ai traversé". Adlène Hicheur, un physicien détaché au Cern de Genève, s'est défendu jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris d'avoir envisagé des attentats contre la France, en dépit de plusieurs mails explicites. L'accusé a également dénoncé la "malhonnêteté" de l'enquête qui a mené à son arrestation en 2009.

Lors de l'audience, le docteur en physique des particules a mis les mails "tangents" sur le compte de son "état de santé physique et psychologique" de l'époque. A l'époque, il était en arrêt-maladie pour une hernie discale. "Je comprends que certains des passages aient pu gêner ou inquiéter", a-t-il reconnu, mais "il n'y avait rien derrière". En détention provisoire depuis son arrestation le 8 octobre 2009 pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", le Franco-Algérien est apparu fatigué et profondément marqué par son incarcération.

"Les assertions sur moi" sont inexactes

Le cœur de l'accusation repose sur ces 35 messages électroniques échangés entre le chercheur et un certain Mustapha Debchi, responsable supposé d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La défense conteste avec vigueur l'identité de ce mystérieux interlocuteur sur lequel se base l'essentiel des charges.  En mars 2009, Adlène Hicheur aurait écrit à Mustapha Debchi affirmant qu'il était prêt à proposer des objectifs "en Europe et notamment en France" ou bien certaines grandes entreprises françaises, comme Total ou Vivendi.

Dix jours plus tard, il va plus loin et évoque "un pur objectif militaire", la base aérienne de Cran-Gévrier, qui forme des soldats pour partir en Afghanistan. Mais "je n'ai jamais embrayé", s'est-il empressé de compléter. "J'étais perturbé", "sous morphine", "c'était trois jours après ma sortie de l'hôpital", a-t-il argué, tout en faisant "amende honorable".

Face au tribunal, il a vivement critiqué l'enquête policière. "Ça m'a noué les viscères durant deux ans et demi", a-t-il témoigné. Avec ce procès, "les gens vont se rendre compte comment j'ai tenu tout ça, comment j'ai serré les dents durant trente mois". Dans la procédure, il y a eu "pas mal de confusion et d'inexactitudes", a déploré le prévenu. "Les assertions sur moi" des enquêteurs "sont inexactes, elles sont sujettes à débat", a-t-il martelé.

"C'est malhonnête, c'est même dégueulasse !"

La présidente du tribunal, Jacqueline Rebeyrotte a énuméré les nombreux diplômes de l'enseignant chercheur, la plupart assortis de mentions "Bien" ou "Très bien", et décrit le prévenu comme "quelqu'un d'assez secret, réservé, un peu timide, qui inspire totalement confiance".

Et pourtant, lors de la perquisition à son domicile d'Ornex dans l'Ain en octobre 2009, les enquêteurs ont découvert "une masse incroyable de documents favorables au jihad", a répliqué le procureur, Guillaume Portenseigne. Mais c'est "une ponction sélective", a rétorqué Adlène Hicheur." Ils ont "laissé 99% de la littérature qui est chez moi, c'est malhonnête, c'est même dégueulasse ! Ce n'est pas parce qu'on lit des choses qu'on approuve ce qu'on lit", s'est-il encore défendu, assurant avoir seulement fait preuve d'une "curiosité intellectuelle sur des points bien précis" et surtout avoir amassé chez lui des documents "majoritairement dominés par des choses qui n'ont rien à voir avec des activités subversives".

La défense tentera de démontrer qu'il s'agissait donc d'échanges virtuels. Le procès se termine vendredi.