TEMOIGNAGE E1 - Ils ont été des enfants d’Auschwitz

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avec Nicolas Poincaré , modifié à
Deux survivants de la Shoah témoignent, après plus de 50 ans de silence.

Karol Pila est le plus jeune survivant d’Auschwitz. Henri Borlant est, lui, le seul survivant des 6.000 enfants juifs de moins de 16 ans de France déportés en 1942. A l’occasion de l'exposition "Au cœur du génocide - Les enfants dans la Shoah, 1933-1945", consacrée aux enfants persécutés par les nazis en Europe, l’historien Serge Klarsfeld a amené ces deux rescapés de la Shoah à livrer leur témoignage.

"Ce qui caractérise les génocides c’est que l’on tue les enfants avec les adultes, parce que l’on ne veut pas laisser derrière soi de futurs vengeurs", rappelle Serge Klarsfeld. C’est à cela, à l’enfer, qu’ont échappé Karol Pila et Henri Borlant.

Découvrez leurs témoignages en intégralité et en vidéo :

"Envie de parler, avant de mourir"

Karol Pila n'a plus personne quand il arrive début 1944 à Birkenau après des années de survie dans le ghetto de Bedzin. Il deviendra petit coursier à Auschwitz.

L’exposition présentée au mémorial a été inaugurée en sa présence, lui, le plus jeune rescapé d’Auschwitz.  Il tient d’abord à dédier son témoignage aux enfants déportés qui ont disparu. Karol Pila "n’a plus envie d’être muet. J’ai envie de parler, avant de mourir". Et lorsque la parole se libère, elle ressemble à un cri. Il retrace son histoire au micro de Nicolas Poincaré : son arrivée dans le camp, sa rage de vivre, féroce, qui lui donne la force de "ne pas se laisser entraîner du côté de ceux qui allaient mourir" à l’heure de la sélection. Il raconte la façon qu’il a de convaincre les nazis avec ses mots d’enfants, son idée fixe aussi : travailler, travailler pour se sauver car Dieu depuis longtemps, "ne [l]’écoute plus".Quand il dit qu’il veut travailler, les kapos le jettent dans un camion destiné aux chambres à gaz. Le gamin de 12 ans, en culottes courtes, saute du camion, une fois, deux fois : "rien ne [lui] résiste tant la force est grande", explique-t-il.

"J’attendais qu’on me pose des questions"

Henri Borlant, lui, se souvient de Karol Pila à Auschwitz, en costume bleu marine. Il se souvient de son pas très décidé. Henri Borlant non plus n’a rien raconté jusqu’alors. Il aura fallu attendre son ouvrage, publié à 84 ans, pour qu’enfin il livre ce que même ses proches ignoraient. Seul survivant des 6.000 enfants juifs de moins de 16 ans de France déportés en 1942, il vient de publier son témoignage, Merci d’avoir survécu, aux éditions du Seuil.

Les Allemands l’arrêtent à Angers en juillet 42. Il a alors 15 ans. Il est envoyé à Auschwitz d’où, parmi son père, son frère de 17 ans et sa sœur de 21 ans faits prisonniers avec lui, il sera le seul à revenir en 45. De la maladie, du travail écrasant, des coups, des insultes, des humiliations, de la peur, il ne dira rien à la Libération. "J’attendais qu’on me pose des questions pour parler. Les questions ne sont pas venues, je me suis tu" explique t-il. Aujourd’hui, il se livre au micro de Nicolas Poincaré. Un million et demi d’enfants juifs de moins de 15 ans ont été assassinés en Europe durant la Shoah.

Exposition "Au cœur du génocide – Les enfants dans la Shoah, 1933-1945", Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy-l’Asnier, 75 004 Paris. Du 19 juin au 30 décembre.