Roms : faut-il ouvrir le marché du travail ?

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Le gouvernement promet de se pencher sur la question mais le défi s’annonce compliqué.

Confronté à l’épineuse question des campements illégaux de Roms, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a dévoilé jeudi matin plusieurs pistes pour résoudre la situation. Outre la convocation la semaine prochaine d’une réunion interministérielle, Manuel Valls a annoncé "qu’un certain nombre de pistes de travail seront annoncées".

Parmi celles-ci, la suppression des limitations de l'accès au marché du travail des 15.000 Roms recensés en France "peut être une des solutions". Cette piste s’attaque certes au cœur du problème, mais peut-elle tout résoudre ?

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Quel est le statut actuel des Roms ? Principalement originaires de Roumanie et de Bulgarie, les Roms sont ressortissants de l’Union européenne et peuvent donc se déplacer librement en Europe. Et comme tous les Européens, les Roms sont soumis à une obligation de ressources s'ils désirent rester en France au-delà de trois mois. Mais ils ne peuvent y travailler que sous certaines conditions.

Sous quelles conditions les Roms peuvent aujourd'hui travailler en France ? Comme huit autres pays, la France a imposé des mesures transitoires qui limitent en effet très étroitement l’accès à notre marché du travail jusqu’au 31 décembre 2013. Les Roms ne peuvent postuler qu'à des offres concernant un des 150 métiers classés "sous tension" par le gouvernement. Ils doivent obtenir une promesse d'embauche et attendre l'autorisation de la préfecture. Quant à leur employeur, il doit s'acquitter d'une taxe d'environ 800 euros si le contrat de travail porte sur plus d'un an.

Pourquoi ne peuvent-ils pas travailler en France ? Cette interdiction de travailler, censée dissuader les candidats à l’émigration en France, a eu un effet très limité. Environ 15.000 Roms ont quand même quitté la misère roumaine pour rejoindre la France avec une conviction : "il y a plus à manger dans vos poubelles que chez nous", comme l’a rappelé le président du collectif Elus, Santé publique et territoires (ESPT), Laurent Elghozi. Leur situation est déjà meilleure, ils ne sont plus la cible d’un racisme quotidien, mais ils ne font souvent que survivre.

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L’accès à l’emploi est-il la solution ? Présents légalement en France mais ne pouvant y travailler, la tentation de la rapine peut être forte. L’interdiction de travailler est "un véritable frein à l'insertion de ces citoyens européens", fustige le collectif Romeurope. Permettre aux Roms de travailler peut donc être une solution prometteuse mais, dans les faits, l’espoir est très tenu. Et pour cause : travailler suppose de pouvoir parler français et d’être un minimum formé. Deux conditions sine qua non que les Roms ne remplissent que très rarement. De plus, trouver un emploi n’est pas chose aisée dans le contexte actuel de hausse continue du chômage.

Une telle solution a-t-elle déjà été testée ? L'Espagne a fait le choix de lever en 2010 toutes les restrictions visant les Roumains, et pas seulement les Roms. Mais la crise économique l’a conduit à réinstaurer une limitation à l’été 2011 et jusque fin 2012, avec pour argument la rétractation du marché du travail et le fort taux de chômage des immigrés roumains. Tout en donnant son accord, la Commission européenne a souligné que cette levée des interdictions a joué un rôle positif pour l’économie et n’a pas fait augmenter le chômage.

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Quelles autres solutions ont déjà été appliquées ? Le précédent gouvernement Fillon a instauré un système d’incitation au retour, "l'aide au retour humanitaire". En l’échange d’un billet d’avion et de 300 euros par adulte (100 euros par enfant), les Roms des camps évacués s’engagent à ne pas revenir rapidement. Mais la mesure, dont on ne peut bénéficier qu’une seule fois, n’a rien changé : elle a juste permis aux expulsés de rentrer gratuitement au pays avec de l’argent, avant de revenir le plus souvent quelques mois plus tard.

Que font les pays d’origine des Roms ? Le rôle de la Roumanie et de la Bulgarie est souvent pointé du doigt. "La vraie solution", c'est que "les pays d'origine" de ces populations, "qui sont membres de l'Union européenne et demandent à rentrer dans l'espace Schengen, changent fondamentalement leurs politiques qui discriminent depuis des décennies ces populations", a-souligné jeudi Manuel Valls. Dans une tribune publiée dans le Mondedu 14 aout, Arno Klarsfeld souligne une autre piste : recourir à des fonds européens spéciaux qui existent déjà mais ne sont pas utilisés par la Roumanie et la Bulgarie. Et pour cause : en novembre 2010, le quotidien néerlandais Trouwa accusé les dirigeants roumains d’avoir détourné la majorité de l’enveloppe dédiée aux Roms.