Rap et police, des relations tendues

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Les appels de la police aux poursuites à l’encontre du rappeur Abdul X rappellent d’autres affaires.

NTM ouvre le bal. A tout seigneur tout honneur. C’est NTM, le groupe qui a popularisé, voire démocratisé, le rap en France, qui le premier a été attaqué pour ses paroles contre la police. Le titre incriminé : Police. Et c’est lors de l’interprétation du morceau, en 1995 à La-Seyne-sur-Mer, à l’occasion d’un concert organisé par SOS Racisme, que le groupe est épinglé.

Un an plus tard, en novembre 1996, le tribunal correctionnel de Toulon se montre sévère. Il condamne Joey Star et Kool Shen, les deux chanteurs de NTM, à trois mois de prison ferme et trois avec sursis, ainsi qu’à six mois d'interdiction "d'exercer la profession de chanteur de variétés", pour "propos outrageants" envers les forces de l'ordre. En appel, la peine est allégée et les deux chanteurs sont finalement condamnés à 50.000 francs d’amende (7600 euros) et deux mois de prison avec sursis.

Ministère contre ministère. En 1995, le ministère de l’Intérieur porte plainte contre…. le ministère A.M.E.R. Dans le viseur de la place Beauvau cette fois, le titre Sacrifice de poulet, publié sur la bande originale du film La Haine, de Mathieu Kassovitz. En 1997, le groupe, séparé dès 1995, est finalement condamné à 250.000 francs d’amende (38.000 euros).

Huit ans de marathon pour La Rumeur

S’ensuit une trêve jusqu’en 2002. Nicolas Sarkozy, tout juste nommé au ministère de l’Intérieur, décide alors de porter plainte contre Hamé, membre du groupe La Rumeur, suite à une interview dans le fanzine La Rumeur magazine. Le chanteur est relaxé des poursuites de "diffamation publique envers la Police nationale" en novembre 2004, mais le ministère de l’Intérieur et le procureur de la République font appel. A nouveau, Hamé est relaxé, en mai 2006.

Le ministère de l’Intérieur, toujours sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, se pourvoit en cassation. En juillet 2007, la relaxe est cassée. Mais la Cour d’appel de Versailles prononce une nouvelle relaxe en septembre 2008. Le ministère de l’Intérieur saisit à nouveau la Cour de cassation. Mais cette fois, la juridiction suprême confirme définitivement la relaxe en juin 2010, après un marathon judiciaire qui aura duré plus de 8 ans.

Publicité gratuite pour Morsay. En 2009, alerté par le syndicat national des policiers municipaux (SNPM), Brice Hortefeux porte plainte contre Morsay, pour sa chanson J’ai 40 meufs. En cause, les paroles "J’ai la dalle (…), j’nique la police municipale".

Le clip diffusé sur le net est de mauvaise qualité, le rappeur entouré de ses amis enchaîne les clichés, en arborant notamment ostensiblement des pistolets. La production est médiocre, les paroles simplistes et stéréotypées. Mais le coup de pub s’avère énorme pour le rappeur de 28 ans, inconnu du grand public. Depuis, les morceaux de son collectif "Truand 2 la galère" est présent dans les bacs de la Fnac.

Abdul X pour finir. Abdul X n’est donc que le dernier d’une longue liste. Ce sont des syndicats de policiers qui sont à l’origine de cette dernière affaire. Alors que le clip de "Tirer sur les keufs" vivotait sur internet, Alliance et Synergie-Officiers ont jeté la lumière sur lui en réclamant des poursuites au ministère de l’Intérieur. Un message entendu, puisque Brice Hortefeux a annoncé jeudi qu’il avait porté plainte contre le rappeur venu des Hauts-de-Seine.

Dans la soirée, c'est le ministère de la Justice qui a "demandé au parquet de Paris d'ouvrir une enquête préliminaire suite à certains propos -relevant de l'apologie de crime- tenus par le rappeur Abdul X dans un clip diffusé sur internet", selon un communiqué de la Chancellerie.

Comme celle de Morsay, la carrière d’Abdul X est maintenant lancée. Même si le clip incriminé a été supprimée des plateformes de vidéos en ligne.

Un extrait reste pour l’heure disponible :