Prothèses PIP : les aveux de l'ex-patron

Jean-Claude Mas avoue avoir menti pour dissimuler la fabrication de son gel.
Jean-Claude Mas avoue avoir menti pour dissimuler la fabrication de son gel. © REUTERS
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avec AFP , modifié à
Dissimulation de preuves, production de gel maison, Jean-Claude Mas a tout raconté.

Tout était une question de prix et de qualité pour le fondateur de la société varoise. Au mois d'octobre dernier, lors de son audition par les enquêteurs, Jean-Claude Mas a clairement assumé la supercherie des prothèses mammaires. "Je savais que ce gel n'était pas homologué, mais je l'ai sciemment fait car le gel PIP était moins cher (...) et de bien meilleure qualité", a a-t-il expliqué aux gendarmes, selon un procès verbal.

"Dissimuler les documents"

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© MAX PPP

Le fondateur a avoué clairement avoir menti car "dès 1993", deux ans seulement après la création de sa société, il "donne l'ordre de dissimuler la vérité" à l'organisme certificateur allemand TÜV, bien avant la mise sur le marché des implants aujourd'hui incriminés.

Jean-Claude Mas est parvenu a déjouer tous les contrôles. "TÜV annonce sa visite dix jours avant... C'était de la routine, je donne l'ordre de dissimuler tous les documents ayant trait au gel PIP non homologué, et concernant les containers, les employés se débrouillaient pour les faire disparaître", explique-t-il avec aplomb. PIP avise TÜV des modifications de packaging par exemple. Mais pas de celles concernant le gel, "vu qu'il n'existe pas..."

"Du gel maison"

La fraude commence "dès 2001", quand le silicone est réautorisé en France pour les prothèses mammaires, selon les déclarations aux enquêteurs de Thierry Brinon, directeur technique de PIP arrivé en 2006 via une petite annonce.

Au bout de sa période d'essai de six mois, on lui aurait expliqué que le gel principalement utilisé était de fabrication "maison" et non pas le gel américain Nusil déclaré à TÜV. Jean-Claude Mas a précisé aux gendarmes que 75% des implants étaient remplis de gel PIP, 25% seulement avec du Nusil.

L'unique motivation" de la fraude étant d'"augmenter sensiblement la rentabilité de l'entreprise", explique Thierry Brinon. Ainsi en 2009, le prix du gel PIP était de 5 euros par litre, contre 35 euros pour le Nusil, soit une différence de 10 euros par implant et un gain d'un million d'euros par an pour une production de 100.000 prothèses.

"Le Géo trouvetou"

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© REUTERS

Quant à la composition du gel utilisé par PIP, Jean-Claude Mas a donné sa version. "Une base de formulation du Dr Arion (chirurgien varois qu'il rencontre dans les années 80, ndlr), que j'ai améliorée en changeant les températures, les pourcentages (de produits introduits), afin de rendre le produit plus cohésif," raconte-t-il.

"Mais assez vite le produit montre ses limites, selon Thierry Brinon. D'autant qu'on économise aussi sur la qualité des enveloppes". Résultat, les ruptures d'implants s'additionnent et des chirurgiens s'inquiètent. "Bon nombre de personnes dans l'entreprise, connaissant la fraude, sont convaincues que la qualité du gel PIP en est la cause et même Jean-Claude Mas qui vantait son gel comme son troisième enfant commençait à en douter", poursuit Thierry Brinon.

"PIP 2"

Le "Géo Trouvetou", comme le décrit son avocat, décide alors de mettre au point un gel "PIP 2", promettant "un superbe voyage" au chimiste qui lui trouverait la solution. Mais en 2009, le nombre de ruptures croît "entre 30 et 40%", souligne Claude Couty, le directeur financier de PIP, "avisé par les courriers des chirurgiens et par notre département commercial". "Mon rôle a été de payer les indemnisations aux patientes. De mémoire sur une période d'un an (2009-2010), j'ai payé entre 60.000 et 70.000 euros", pour environ 100 à 150 patientes.

D'autant que pour le fondateur de PIP, ses prothèses ne présentaient "aucun risque pour la santé", a redit celui-ci aux enquêteurs, voyant dans les plaignantes "des personnes fragiles ou qui font ça pour le fric". Lui "vivait bien à l'époque", sa rémunération fixée à 30.000 euros par mois.