Prostitution : "cachée, je risque ma vie"

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avec François Coulon , modifié à
TÉMOIGNAGE E1 - Le délit de racolage passif a été aboli. Une prostituée dit ses craintes.

Le délit de racolage passif supprimé. Proposée par la sénatrice EELV Esther Benbassa, cette réforme a été votée jeudi par la gauche, majoritaire au Sénat. Une proposition de loi qui met pourtant l'exécutif dans l'embarras sur le sujet brûlant de la prostitution. Le gouvernement ne souhaitait en effet pas aborder ce sujet de société par ce biais, préférant aller au-delà de cette simple abrogation et imaginer une pénalisation des clients.

Le délit de racolage passif a été créé par la loi sur la sécurité intérieure instaurée en 2003 par Nicolas Sarkozy. Il est puni de deux mois d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende. Pour rappel, cette loi pénalise le "fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération".

"Ça va être dangereux pour moi". Si Adélie, prostituée roumaine de 25 ans, se réjouit de l'abrogation du délit de racolage passif, elle redoute cependant de perdre ses clients si une nouvelle loi venait à les pénaliser. Les gardes à vue et convocations au tribunal vont-elles être remplacées par l'obligation de se cacher pour exercer son travail ? C'est du moins ce que craint cette prostituée sans-papiers, sur les trottoirs nantais depuis trois ans.

"C'est grave. Si les clients sont pénalisés, je suis obligée de partir, chercher une place plus loin, plus obscure, où il n'y a pas de police. Ça va être dangereux pour moi, parce que je peux mourir, parce qu'il y a des clients qui sont dangereux, je peux être volée tous les soirs. J'ai peur", confie-t-elle au micro d'Europe 1.

"Je me sens un petit peu protégée" :

Il faut dire qu'actuellement, Adélie se prostitue dans un des lieux les plus fréquentés de Nantes. Une place qui la rassure. "Ici, où je travaille maintenant, il y a plein de voitures, de la lumière, des gens qui passent à côté de moi. Je me sens un petit peu protégée, si je peux dire. Cachée, je risque ma vie", estime la jeune femme.

Le risque de perte de visibilité. Même son de cloche du côté de Médecins du monde. L'organisme, qui a recensé 280 prostituées à Nantes en 2011 et accompagné une partie d'entre elles, s'inquiète du risque de perte de visibilité de ces jeunes migrantes en grande précarité. De son côté, la rapporteure socialiste Virginie Klès, a également observé que la crainte d'être arrêtées avait déjà conduit de nombreuses prostituées à s'éloigner des centres urbains, aggravant leur situation sanitaire et sociale et les exposant à un risque accru de violences.