Privés de géolocalisation, les policiers piétinent

Depuis deux semaines, la Chancellerie a interdit le recours à la géolocalisation dans les enquêtes préliminaires.
Depuis deux semaines, la Chancellerie a interdit le recours à la géolocalisation dans les enquêtes préliminaires. © MaxPPP
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avec Guillaume Biet et AFP
Depuis deux semaines, la Chancellerie a interdit le recours à la géolocalisation dans les enquêtes préliminaires.

L'info. Ils enragent en voyant des suspects leur filer sous le nez. Depuis un peu plus de quinze jours, tous les services d'enquête subissent les conséquences d'une décision de la Cour de Cassation. Elle leur interdit de géolocaliser le téléphone ou la voiture d'un suspect dans la cadre d'une enquête préliminaire (dirigée par un procureur, ndlr). Résultat : certaines affaires sont tout simplement à l'arrêt.

"On casse tout notre travail". Certains procureurs appliquent en effet les consignes du ministère de la Justice à la lettre. Comme à Nanterre, où les services d'enquête sont désormais privés d'une aide essentielle, regrettent les syndicats. "On a eu un braquage, sur un parking devant une bijouterie. La bijoutière se fait dérober des bijoux mais aussi son téléphone portable. C'est un élément que tout bon enquêteur peut exploiter, d'autant que là la victime avait bien pris la précaution de ne pas bloquer son téléphone, pensant que les enquêteurs pourraient travailler dessus. Mais là, ça n'est plus possible. Le parquet de Nanterre a refusé", dénonce Isabelle Trouslard, du syndicat de police Synergie, au micro d'Europe 1.

"Toutes les troupes sont découragées. On a déjà eu la réforme de la garde à vue et maintenant on doit arrêter la géolocalisation. On casse tout notre travail d'initiative, la police judiciaire peut mettre la clé sous la porte", estime pour sa part, amère, une commissaire de police en région parisienne. Il faut en effet savoir que les enquêtes préliminaires représentent l'écrasante majorité (près de 90%) des procédures.

"La première conséquence de ces arrêts, c'est qu'on ne peut plus arrêter des personnes que l'on soupçonne dangereuses. Il ne faudra pas s'étonner s'il y a un drame", prévient un policier. Plus généralement, certains responsables de la PJ estiment que cette décision s'inscrit dans une démarche de "dépossession" des moyens d'enquête. "On a l'impression que désormais chaque acte d'enquête doit être soumis à l'approbation d'un juge. On écarte de plus en plus le travail d'initiative du policier", résume l'un d'eux.

La colère (aussi) des magistrats. Certains magistrats du parquet désapprouvent aussi cette directive qui leur demande de supprimer dans tous leurs dossiers les actes d'enquête liés à la géolocalisation. "C'est hors de question", a assuré un procureur spécialiste du grand banditisme à Europe 1.

Pour répondre à ce début de fronde des magistrats, la Chancellerie a mis en place une ligne téléphonique pour tenter de résoudre les problèmes au cas par cas. La plupart des syndicats de police, associés au syndicat majoritaire chez les magistrats, l'Union syndicale de la magistrature (USM), sont montés au créneau récemment. Ils ont saisi par courrier le président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, expliquant "l'urgence de mettre en oeuvre une disposition législative" pour pallier les difficultés rencontrées par les enquêteurs sur le terrain. D'après les informations d'Europe 1, le texte est déjà prêt depuis le mois de juin. Mais l'embouteillage législatif n'a pas encore permis de le présenter aux parlementaires.