"Présomption de légitime défense" : que dit la loi ?

La légitime défense est au coeur de la polémique sur la mise en examen pour homicide volontaire d'un policier de Seine-Saint-Denis.
La légitime défense est au coeur de la polémique sur la mise en examen pour homicide volontaire d'un policier de Seine-Saint-Denis. © MAX PPP
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Frédéric Frangeul , modifié à
Les policiers demandent une modification de la loi après la mise en examen d’un des leurs.

La légitime défense est au coeur de la polémique sur la mise en examen pour homicide volontaire d'un policier de Seine-Saint-Denis, accusé d'avoir tué d'une balle dans le dos un multirécidiviste en fuite. 

Que veulent les policiers ? Les policiers ont appelé jeudi par la voix du syndicat Alliance, second syndicat de gardiens de la paix, à la création d’un "droit à la présomption de légitime défense". Leur objectif ? "Mieux protéger policiers et gendarmes". A cette fin, ils ont lancé une pétition jeudi, dans laquelle ils "exigent" ce droit.

Que dit la loi aujourd’hui ?  Les policiers sont aujourd’hui soumis aux mêmes droits que tous les citoyens pour l’usage des armes à feu, défini par l’article 122-5 du Code pénal. Celui-ci spécifie que "n'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte".

Concernant les forces de l’ordre, c’est l'article L 2338-3 du Code de la Défense qui encadre la riposte à apporter face à des résistances ou face à des individus qui cherchent à s'échapper. Il permet notamment aux gendarmes de faire usage de leurs armes après sommations, ce qui n'est pas le cas des policiers. Ces derniers demandent que les mêmes règles soient appliquées aux deux forces.

Pourquoi maintenant ? Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est la mise en examen d'un gardien de la paix mercredi pour "homicide volontaire". Il avait tué d'une balle dans le dos un multirécidiviste en fuite en Seine-Saint-Denis. Le fonctionnaire de 33 ans a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer. Suite à cette mise en examen, environ 150 policiers ont improvisé une manifestation de soutien sur les Champs-Elysées, en signe de soutien à leur collègue. Ils disent "ne pas accepter qu'un juge d'instruction puisse qualifier un policier républicain de ‘meurtrier’ alors même qu'il se trouvait face à un individu dangereux".

Qu'en pensent les magistrats ? "Juridiquement, ça ne veut rien dire", analyse Marie-Blanche Régnier, secrétaire générale du syndicat de la Magistrature au sujet du droit à la présomption de légitime de défense. "Si on considère qu'à chaque fois qu'un policier fait feu, quelles que soient les circonstances, il a raison de le faire, ça revient à délivrer un permis de tuer. Et cela, même chez les policiers, ce n'est pas acceptable", estime-t-elle au micro d'Europe 1 .

Quelles sont les réponses des candidats ? Nicolas Sarkozy et François Hollande ont adressé jeudi leur soutien aux policiers en colère suite à l’affaire de Bobigny. 

Nicolas Sarkozy s'est déclaré favorable à la "présomption de légitime défense" pour les policiers, une proposition déjà formulée par Marine Le Pen dans son programme présidentiel. Pour le président-candidat, "il doit y avoir une présomption de légitime défense car dans un état de droit, on ne peut pas mettre sur le même plan un policier dans l'exercice de ses fonctions et le délinquant dans l'exercice de ses fonctions à lui".

De son côté Claude Guéant a dit espérer jeudi "de tout coeur" un appel du parquet sur la qualification d'homicide volontaire retenue contre le policier dans cette affaire, en vain. En janvier dernier, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant avait pourtant estimé que l'était actuel du droit représentait "un bon équilibre". "On ne peut pas donner aux policiers un permis de tirer", avait-il alors expliqué.

Pour sa part, François Hollande a affirmé jeudi à une délégation de policiers sa "compréhension par rapport à leur colère de voir leurs moyens réduits", dans un "travail qui peut les conduire à se mettre eux-mêmes en danger lorsqu'ils poursuivent des malfaiteurs qui sont prêts à tout". Il a aussi relevé qu'"en même temps, il y a l'indépendance de la justice".