Pourquoi la Guadeloupe est-elle minée par la violence ?

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Frédéric Frangeul et Emmanuel Renard , modifié à
REPORTAGE - Manuel Valls effectue une tournée de quatre jours aux Antilles, où la délinquance explose.

Quelle est la réalité de la violence en Guadeloupe ?  Depuis le début de l’année, 39 meurtres ont été recensées en Guadeloupe, deux fois plus qu’à Marseille. Ce nombre record d’homicides fait de ce département le plus criminogène de France. Si les règlements de compte sont nombreux, les meurtres sont également la conséquence des bagarres entre voisins qui tournent mal ou des violences familiales qui dégénèrent. Et puis, autre chiffre, les braquages à main armée ont augmenté de 63% en un an. Conséquence, à partir de 18 heures, à Pointe-à-Pitre par exemple, plus personne ne sort et la ville devient quasiment déserte.

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Un contexte social difficile. Le chômage atteint en Guadeloupe un niveau très élevé puisqu’il touche 30% de la population et 60% des moins de 25 ans. Alors, pour avoir une activité,  les jeunes "jobbent", comme ils disent. "Jobber",  c’est travailler au noir.  Les jeunes guadeloupéens ne s’en cachent même pas et "jobber" est devenu un mot de la vie courante.

Le conflit contre la vie chère de 2009 n’est en outre pas encore totalement digéré en Guadeloupe : les prix de l’essence, de l’eau, des produits laitiers restent très élevés. Les 44 jours de grève générale menée par le fameux LKP d’Elie Domota ont laissé des traces encore visibles. Ainsi, au tribunal de commerce, chaque semaine, une entreprise ferme parce qu’elle ne s’est jamais remise des évènements de 2009, selon les informations recueillies par Europe 1.

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Une population armée. Autre facteur d’explication de la violence en Guadeloupe, la circulation d’un nombre important d’armes sur le territoire. La majorité des Guadeloupéens sont au moins armés d’un couteau et quand une bagarre éclate, ils s’en servent. Au cours d’une nuit passée avec une équipe de la BAC, la brigade anti-criminalité, trois heures ont suffi à notre reporter pour assister à un car-jacking en pleine rue et à l’agression d’une jeune fille à son domicile par un homme armé d’un fusil de chasse.  Ce dernier voulait lui voler son téléphone portable.

La famille n’est plus un repère. La structure familiale guadeloupéenne a beaucoup changé ces dernières années : les hommes déclarent et reconnaissent de moins en moins leurs enfants. En conséquence, un nombre croissant de femmes se retrouvent seules à assumer leurs enfants qui sombrent parfois dans le trafic de drogue. Les dealers de cocaïne et les consommateurs de crack sont de plus en plus nombreux sur l’île.  

Un sentiment d’abandon. La venue de Manuel Valls aux Antilles ne suscite pas d’enthousiasme particulier chez les Guadeloupéens. "Le gouvernement est à 8.000 kilomètres", rappelle une habitante interrogée par Europe 1. "L’Etat s’occupe de la France, mais pour la Guadeloupe, rien du tout", déplore-t-elle. Avant d’ajouter : "On est livrés à nous-mêmes".