Patrice Chéreau, une personnalité à part

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G.S. , modifié à
CINQ CHOSES A SAVOIR SUR - Le réalisateur de La Reine Margot est mort lundi. Retour sur sa riche carrière.

L'INFO. "Je suis doté d'une solide constitution, je ne pense jamais à l'âge que je suis censé avoir – je n'ai pas l'impression de l'avoir", expliquait le réalisateur Patrice Chéreau, en avril 2009, à Télérama. Mais malgré cette confiance en sa "constitution", il concédait également : "on ne peut pas être dans le déni de la biologie : elle se rappelle toujours à vous." La "biologie" a bel et bien fini par rattraper le metteur en scène, réalisateur de La Reine Margot, Ceux qui m'aiment prendront le train, Gabrielle ou encore Persécution. Patrice Chéreau est mort lundi, à 68 ans, des suites d'une longue maladie, laissant derrière lui une riche carrière.

Un metteur en scène de renom. C'est en tant que réalisateur que Patrice Chéreau a brillé, et tôt. À 21 ans, en 1965, il met en scène L'Héritier de village de Marivaux, puis L'Affaire de la rue de Lourcine d'Eugène Labiche, l'année suivante. En 1966 toujours, il prend même la direction du Théâtre de Sartrouville. Et en 1969, il réalise sa première pièce d'opéra. Il tombe dans le cinéma en 1974, année où il réalise La Chair de l'orchidée. Ces trois passions l'accompagneront jusqu'à sa mort. "Je dois jongler avec les engagements de longue date et les opportunités du moment", racontait en 2009 celui qui a fait tourner Isabelle Adjani, Daniel Auteuil, Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert, Romain Duris ou Charlotte Gainsbourg. L'Encyclopedia Universalis le décrit ainsi aujourd'hui comme l'un "des plus grands metteurs en scène de son temps, par la puissance et l’originalité de ses points de vue critiques, par la force de son univers plastique et par la radicalité de sa direction d’acteurs".

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Ses parents étaient peintres. Patrice Chéreau était le fils cadet d'un couple de peintres, à la renommée modeste, mais dont l'influence a été capitale pour sa carrière. "Si les deux n'avaient pas été peintres, je n'aurais sans doute pas fait ce métier. J'ai passé ma jeunesse à les suivre dans les galeries et les musées. J'ai grandi dans les pinceaux, les crayons, et j'ai dessiné très tôt. J'ai commencé comme ça, en dessinant les décors de mes premières mises en scène", décrit-il à Télérama en 2009.  

Il était engagé à gauche. Dès ses débuts au théâtre, Patrice Chéreau écrit des pièces engagées, ancrées dans un environnement culturel précurseur de mai 68. Il soutient plus tard François Mitterrand en 1981 et 1988 puis Lionel Jospin en 1995 et 2002, Ségolène Royal en 2007 et Martine Aubry en 2011. Mais malgré ses valeurs et une fidélité assumée envers le Parti socialiste, il n'en reste pas moins critique vis-à-vis. "Ségolène Royal avait besoin d'artistes pour lire des textes dans ses meetings, mais ça n'allait pas au-delà. Le PS s'en fout un peu, de la culture", regrettait-il par exemple en 2009.

C'était un homosexuel assumé. Patrice Chéreau aime les hommes et il évoque l'homosexualité dans ses œuvres, notamment dans l'Homme blessé, où un jeune bourgeois se prostitue pour gagner l'amour d'un autre prostitué. Mais "en aucun cas, mon homosexualité ne doit me cantonner à ne traiter que de sujets homosexuels", prévenait-il à Télérama. "Il y a, selon moi, de la sexualité partout, hétéro et homo, et la frontière est loin d'être étanche entre les deux. L'expérience me le prouve. Le désir circule de façon bien plus complexe qu'on ne le croit", expliquait-il également.

Il a failli réaliser Napoléon, avec Al Pacino. Le réalisateur avait réuni 26 millions d'euros et travaillé sept ans pour ce projet, qui a capoté au dernier moment à cause du retrait de dernière minute des cinémas Pathé.

Il avait une "mauvaise façon d'aimer".. Patrice Chéreau le reconnaissait, dans une interview à Libération en 2009 : "je suis un peu moins bon dans la vie privée" qu'au cinéma. Mais outre quelques bribes d'indications, il s'est peu épanché publiquement sur sa "vie privée". Dans ses films, en revanche, elle peut être décelée entre certaines images. Comme dans Persécution, qui traite d'une façon d'aimer qu'il "connaît bien" : "une mauvaise façon d'aimer, très exclusive, épuisante pour les autres, maladive".