PMA à l'étranger : les gynécos recadrés

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Sophie Amsili et , modifié à
Une circulaire menace de sanctions les médecins qui envoient leurs patientes à l'étranger.

L'info. Un projet de circulaire du Direction générale de la Santé (DGS), qui dépend du ministère de la Santé met en garde les gynécologues contre la tentation d'aider leurs patientes à partir à l'étranger pour bénéficier d'une procréation médicalement assistée (PMA). Que ce soit en l'échange d'une rétribution desdites cliniques ou qu'il s'agisse d'un simple conseil à titre gracieux.
 
La menace de sanction. Le texte, transmis à l'Ordre des Médecins en décembre, et détaillé mardi dans Le Parisien-Aujourd'hui en France, rappelle qu'un médecin français qui "transmet à ses patients une information sur des cliniques ou des organismes étrangers dont les pratiques en matière de don de gamètes ne sont pas conformes à la législation nationale", c'est-à-dire qui rémunèrerait le don d'ovocyte par exemple, peut être poursuivi. Le praticien risque "cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende", détaille le texte. Qu'ils reçoivent de l'argent en échange ou pas, tous les médecins sont donc concernés par cette sanction s'ils conseillent à leurs patientes d'aller à l'étranger, a confirmé la DGS.

Le boom de la PMA à l'étranger. La PMA fait décidément parler d'elle : alors que le débat sur son accès aux couples homosexuels a finalement été reporté sine die, le gouvernement cherche à limiter les dérives de sa pratique déjà recensées à l'étranger, et qui concerne à 80% des couples hétérosexuels. La DGS note en effet qu'"actuellement, le don d'ovocytes en France est insuffisant pour couvrir les besoins. Le nombre de couples français qui se rendent à l'étranger en vue d'une assistance médicale à la procréation, en particulier en Espagne, ne cesse d'augmenter. Or, selon la DGS, de plus en plus de cliniques espagnoles proposent de rémunérer les gynécologues français qui leur enverraient des patientes. Cette situation tendrait d'ailleurs "à s'aggraver avec le démarchage de plus en plus offensif" de ces établissements, selon la circulaire.

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"Certains profitent de la souffrance de ces femmes". "Certains profitent de la souffrance de ces femmes qui, en effet, souhaiteraient pouvoir faire famille" et "ne peuvent pas le faire en France", a expliqué la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem sur France Info. A l'étranger, souvent en Belgique ou en Espagne, ces femmes ne connaissent pas les cliniques où elles vont bénéficier d'une PMA. Or, "certaines opèrent très bien, mais d'autres le font dans des conditions parfois assez louches" et "pour attirer de la clientèle française, rémunèrent des médecins français qui se font les intermédiaires", a alerté Najat Vallaud-Belkacem. Cette pratique "qui consiste à contourner la loi française contre rémunération, de la part des médecins, lorsqu'elle existe (elle est ultra-minoritaire) est insupportable, condamnable", a-t-elle poursuivi.

Les gynécos sont surpris. "Nous sommes honnêtement extrêmement surpris", a réagi Joëlle Belaisch-Allart, représentante du Collège national des gynécologues sur Europe 1. "Que les médecins qui touchent une commission soient condamnables, ça va de soi, nous sommes parfaitement d'accord. Par contre, que donner une simple information pour orienter une patiente dans un centre correct soit puni, ça, nous avons du mal à comprendre." Elle-même admet avoir déjà donné des adresses à des patientes âgées de 40 ans parce que le délai d'attente pour obtenir un ovocyte est de l'ordre de deux ans en France. Pour les médecins, c'est d'ailleurs là qu'est le vrai débat : "On souligne qu'il y a un problème dans le don d'ovocytes en France", poursuit Joëlle Belaisch-Allart. "Il n'y a pas de plan pour soutenir le don. Il y a un problème criant de moyens humains et financiers, de prise en charge des donneuses pour améliorer leur confort, leur indemnisation." Et de souligner que si les femmes pouvaient conserver leurs propres ovocytes autour de 35 ans, "cela permettrait qu'il y ait moins de demandes" lorsqu'elles atteignent 40 ans et plus d'ovocytes éventuellement donnés à d'autres femmes.

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