PIP, un procès hors norme

Jean-Claude Mas à son arrivée au tribunal mercredi
Jean-Claude Mas à son arrivée au tribunal mercredi © EUROPE1/NATHALIE CHEVANCE
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avec Nathalie Chevance et AFP , modifié à
Cinq anciens dirigeants de l'entreprise de prothèses mammaires sont jugés à partir de mercredi.

Le procès. Le scandale, qui a éclaté en 2010, avait eu un retentissement international et plongé des milliers de femmes porteuses de prothèses mammaires dans l'angoisse. Trois ans plus tard, cinq dirigeants de l'entreprise PIP sont jugés à partir de mercredi à Marseille pour avoir produit des prothèses mammaires remplies d'un gel industriel non conforme. Un procès hors norme à la mesure du scandale.

Les audiences délocalisées. Pendant un mois, le tribunal correctionnel de Marseille sera ainsi délocalisé dans un hall du Parc des expositions de la cité phocéenne pour pouvoir accueillir les plaignantes et 300 avocats. Plus de 5.100 porteuses d'implants PIP - des Françaises pour la plupart - ont porté plainte dans ce dossier ouvert pour "tromperie aggravée".

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© REUTERS

Les juges vont donc examiner comment la fraude s'est organisée, dix années durant, dans l'usine de la Seyne-sur-Mer, dans le Var. Au centre de la supercherie, un ancien VRP, Jean-Claude Mas, créateur de l'entreprise Poly Implant Prothèse en 1991. Il est accusé d'avoir concocté un gel de silicone non autorisé, au coût dix fois moindre que celui aux normes.

Une manœuvre rodée. Le scandale avait été révélé en 2010 après une visite de l'Afssaps (l'agence de sécurité du médicament et des produits de santé), alertée par des chirurgiens sur les taux de rupture élevés affectant les prothèses. L'enquête des gendarmes montrera par la suite que la société réalisait une économie d'un million d'euros par an. Selon l'accusation, la manoeuvre était rodée, passant par la dissimulation des fûts et une double comptabilité lors des inspections de l'organisme certificateur, TUV.

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PIP moins cher, Jean-Claude Mas le revendique. Lors de ses auditions, Jean-Claude Mas l'a revendiqué haut et fort : "le gel PIP était moins cher". Pour lui, les femmes portent plainte "pour le fric", et ses prothèses n'étaient pas nocives. Les tests montrent pourtant que le gel modifie leur durée de vie. Avec à la clé, des effets irritants. Sans que rien n'indique un risque accru de cancer, soulignent les autorités, qui doivent lancer une enquête épidémiologique sur dix ans.

Une autre information judiciaire est d'ailleurs ouverte à Marseille pour "blessures involontaires", dans laquelle le chef d'entreprise et ses quatre collaborateurs sont mis en examen. Mais l'instruction promet d'être longue.

Et les indemnisations ? En attendant, pour ce premier procès, Jean-Claude Mas et ses anciens cadres, accusés d'avoir exécuté les ordres ou laissé faire, risquent jusqu'à cinq ans de prison : quatre ans pour les faits de "tromperie aggravée", cinq pour "tromperie" (aux dépens de TUV). Mais en raison de l'insolvabilité des prévenus, il ne sera pas question de l'indemnisation des victimes. Un constat qui fait enrager les parties civiles, certains avocats critiquant aussi le choix du parquet de dissocier de ce procès l'enquête en cours sur le sort de l'argent de la fraude présumée.

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© MAX PPP

Un banc des prévenus incomplet ? D'autres estiment encore qu'il manque du monde parmi les prévenus, - notamment les autorités sanitaires, des chirurgiens, ou encore l'organisme de certification TUV -, alors que PIP avait déjà été la cible de procédures aux États-Unis puis en Grande-Bretagne dans les années 2000. "La justice fait son cirque. On va avoir un beau parc pour nous. Mais il aurait fallu que les autorités sanitaires françaises soient sur le banc. On a acheté des prothèses françaises, normées, certifiées. On a pris toutes les garanties et au bout du compte on se retrouve avec du n'importe quoi", dénonce Muriel Agello, l'une des plaignantes, au micro d'Europe 1.