Mastérisation : un casse-tête pour Peillon

Le Conseil d'Etat a retoqué la réforme de la mastérisation. Résultat : les établissements risquent de se retrouver, pris de court, en manque d'effectifs à la rentrée 2012. Vincent Peillon doit la signer "à titre provisoire."
Le Conseil d'Etat a retoqué la réforme de la mastérisation. Résultat : les établissements risquent de se retrouver, pris de court, en manque d'effectifs à la rentrée 2012. Vincent Peillon doit la signer "à titre provisoire." © MAXPPP
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Le Conseil d’État a retoqué la réforme Chatel. L’actuel ministre doit vite trouver une solution.

Le Conseil d’Etat coupe l’herbe sous le pied de Vincent Peillon. La plus haute juridiction de la République vient en effet de retoquer la réforme dite de la "mastérisation", conçue par Xavier Darcos et mise en œuvre en 2010 par son successeur Luc Chatel. La cause : un simple vice de procédure. "Luc Chatel avait signé seul les arrêtés du 12 mai 2010, en se passant de la signature de son homologue à l'enseignement supérieur, qui était alors Valérie Pécresse. Or les IUFM relevaient de sa compétence", explique Le Monde daté de mercredi.

Mais ce vice de procédure pourrait bien pousser Vincent Peillon à signer de ses propres mains un texte qu’il a ardemment combattu. En attendant de trouver une autre solution.

Vice de procédure

La réforme Darcos-Chatel avait élevé le niveau de formation des professeurs à bac +5 (niveau master), et supprimé l'année de stage en alternance dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Les étudiants étaient ainsi directement parachutés devant une classe, seuls, parfois même sans aucun tuteur dans l’établissement, à temps plein (18h par semaine), sans avoir aucune expérience professionnelle. Un temps plein qui devait également se cumuler avec 180 heures de théorie à répartir dans l’année.

La décision du Conseil d’État devrait faire en sorte que, à compter du 31 juillet prochain, les futurs enseignants retomberont sous le régime de 2006. Ils devraient ainsi suivre une formation mixant à peu près de manière égale pratique et théorie, avec avoir 10 heures en classe et 8 heures de cours.

Les syndicats d’étudiants, de professeurs et la gauche avaient fortement critiqué la mastérisation, accusée de décourager les futurs enseignants et d’offrir aux élèves des cours de moins bonne qualité. "Nous rétablirons l'année de stage supprimée par le gouvernement sortant qui a eu pour résultat, selon la Cour des comptes en 2011, d'envoyer 70% des nouveaux enseignants en 2011 devant une classe sans y avoir été préparés", avait promis Vincent Peillon lui-même, interrogé par Les Echos en mars dernier, sans donné de délai précis.

Le Conseil prend le ministre de court

Mais le Conseil d’État lui a mis la "patate chaude" entre les mains. Et cela ne représente pas forcément une bonne nouvelle pour le nouveau ministre de l’Éducation. Car celui-ci doit maintenant trouver une issue au plus vite. Deux solutions s’offrent en effet à lui : signer le texte Darcos-Chatel en suivant la bonne procédure, avant juillet, ou revenir au dispositif de 2006 dès la rentrée prochaine.

Or revenir au texte de 2006 ferait passer le nombre d’heures devant la classe des stagiaires de 18h à 8h par semaine. Les établissements scolaires se verraient donc d’un coup privés d’une part importante de leurs effectifs. "Cela coûterait 4.000 postes supplémentaires", a calculé Joël Pehau, du syndicat d'enseignants SE-UNSA, contacté par Le Monde. Or le gouvernement ne prévoit que 1.000 postes de plus pour la rentrée 2012.

Du coup le ministère s’apprête, selon le quotidien, à signer la réforme qu’il combattait, "à titre provisoire". "La situation sera différente à la rentrée 2013, car notre réforme de la formation des maîtres aura été engagée", assure le ministère de l’Éducation.

Pendant la campagne, outre le rétablissement de l’année de stage pour les futurs enseignants, Vincent Peillon avait en effet proposé "de créer des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation qui permettront sur la base des IUFM, à l'université, de redonner une véritable formation aux enseignants". On devrait donc, à en croire la rue de Grenelle, y voir plus clair en 2013.