Mariage gay : les critiques du grand rabbin

© Marlene Awaad/ MaxPPP
  • Copié
, modifié à
DOC - Le mariage pour tous "n'est qu'un slogan", estime Gilles Bernheim dans un long texte.

Il veut faire "émerger un véritable débat", sortir du "tribunal des bonnes consciences et des caricatures disqualifiantes". Le grand rabbin de France, Gilles Bernheim [invité d'Europe 1 jeudi à 18h35], s'est exprimé publiquement, pour la première fois jeudi, sur le mariage et l'adoption des couples gays. Dans un texte qu'Europe1 s'est procuré, il explique pourquoi il y est opposé.

>> A LIRE AUSSI : retrouvez l'intégralité du texte

"C’est au nom de l’égalité, de l’ouverture d’esprit, de la modernité et de la bien-pensance dominante qu’il nous est demandé d’accepter la mise en cause de l’un des fondements de notre société", y explique-t-il. Selon le religieux, "la loi sur le mariage homosexuel et l'adoption ne résiste pas longtemps à l'analyse".  Quels sont ces arguments ? Morceaux choisis.

SUR LE MARIAGE

17.01.Mariage.homo.lesbien.930.620

• Le mariage pour tous "n'est qu'un slogan". Pour Gilles Bernheim, l'amour n'est pas le seul critère pour un mariage."Ce n’est pas parce que des gens s’aiment qu’ils ont systématiquement le droit de se marier ", avance le Grand Rabbin. "Des règles strictes délimitent et continueront de délimiter les alliances interdites au mariage. Un homme ne peut pas se marier avec une femme déjà mariée, même s’ils s’aiment. De même, une femme ne peut pas se marier avec deux hommes", développe-t-il. Pour le religieux, "le mariage pour tous est uniquement un slogan car l’autorisation du mariage homosexuel maintiendrait des inégalités et des discriminations à l’encontre de tous ceux qui s’aiment, mais dont le mariage continuerait d’être interdit."

• Contre le mariage homo, par les homos. Gilles Bernheim ne critique pas les relations amoureuses entre homosexuels. "L’enjeu n’est pas ici l’homosexualité qui est un fait, une réalité, quelle que soit mon appréciation de Rabbin à ce sujet", précise-t-il dans le texte. Selon lui, les couples gays doivent simplement défendre "l'union libre" et non le mariage.

Le Grand Rabbin s'appuie sur sa définition même du mariage : "c'est l’institution qui articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations. C’est l’institution d’une famille, c’est-à-dire d’une cellule qui crée une relation de filiation directe entre ses membres. C’est un acte fondamental dans la construction et dans la stabilité tant des individus que de la société."

"Enfin, j’ajouterai que ma vision biblique du monde, où la justice est un principe central, me conduit naturellement à condamner et à combattre avec force les agressions physiques et verbales dont sont victimes les personnes homosexuelles, au même titre que je condamne et combat avec force les actes et propos racistes et antisémites", ajoute le Grand Rabbin.

• Pas d'avantages financiers. Le religieux réfute également l'argument économique. "Une analyse, ligne à ligne, des tableaux comparatifs montre que l’écart entre le mariage et le Pacs est limité. Dans le cas du PACS comme dans celui du mariage, l’héritage reçu par le conjoint est exonéré de droits de succession par exemple."

Gilles Bernheim reconnaît toutefois quelques inégalités, comme dans le cas de "la prestation compensatoire en cas de séparation entraînant une perte significative de niveau de vie pour l’un des conjoints". Il demande alors que "des solutions techniques soient trouvées pour mettre au même niveau la protection du conjoint marié et celle du conjoint pacsé."

SUR L'ADOPTION

03.10.Homoparentalite.gay.homosexuel.Maxppp.930.620

• Risque de perte d'identité pour l'enfant. Pour Gilles Bernheim, "résumer le lien parental aux facettes affectives et éducatives, c’est méconnaître que le lien de filiation est un vecteur psychique et qu’il est fondateur pour le sentiment d’identité de l’enfant."

Et de s'expliquer : "l’enfant ne se construit qu’en se différenciant, ce qui suppose d’abord qu’il sache à qui il ressemble. Il a besoin, de ce fait, de savoir qu’il est issu de l’amour et de l’union entre un homme, son père, et une femme, sa mère, grâce à la différence sexuelle de ses parents."

• Le droit à l'enfant "n'existe pas". "Le droit à l'enfant n'existe ni pour les hétérosexuels ni pour les homosexuels. Aucun couple n'a droit à l'enfant qu'il désire, au seul motif qu'il le désire. L'enfant n'est pas un objet de droit mais un sujet de droit", explique le Grand Rabbin au sujet de l'adoption.

Pour le religieux, la loi française permet d'ailleurs déjà de s'organiser et de permettre aux couples homosexuels de s'occuper d'enfants sans être dans l'illégalité. "Devant le phénomène croissant des familles recomposées, le droit (Loi n°2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale) donne désormais au juge aux affaires familiales la possibilité d’organiser, pour les besoins d’éducation de l’enfant et avec l’accord des parents, le partage de l’exercice de l’autorité parentale. (article 377-1 du Code civil). Un tel partage permet d’associer un tiers à l’exercice de l’autorité parentale sans que cela entraine, pour le parent, la perte de prérogatives."

En clair, selon Gilles Bernheim, le dispositif inventé pour les familles recomposées pourraient faire participer un homosexuel à l'éducation d'un enfant, tout en préservant les droits pour le père et la mère. "Mieux informer sur ce dispositif permettrait de l’utiliser pleinement et de trouver aussi des solutions souples", conclut-il.