Les ratés du plan "grand froid"

Près d'une personne sur deux à la recherche d'un hébergement d'urgence n'y a pas accès.
Près d'une personne sur deux à la recherche d'un hébergement d'urgence n'y a pas accès. © MAX PPP
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avec Raphaele Schapira , modifié à
ENQUÊTE - Des places d'hébergement restent inoccupées, ce plan n'étant pas activé partout.

Un mort dans la rue en début de semaine à Lorient, un décès par semaine à Paris et dans sa région. Les décès des sans-abri se multiplient en France. Et pourtant le plan grand froid n'est pas activé dans la plupart des régions, en raison de la douceur des températures. Reste que les appels au 115, le numéro du Samu social, affluent en cette période de l'année. Et selon les dernières estimations, près d'une personne sur deux à la recherche d'un hébergement d'urgence n'y a pas accès.

Y a-t-il des places disponibles ? En ce moment, de nombreux centres ont des places inoccupées. C'est le cas, par exemple, au Fort de Nogent, en région parisienne, qui accueille chaque hiver près de 160 sans-abri. Cet hiver, il y a toujours près de 160 lits mais vingt places sont actuellement disponibles.

"Nous sommes opérationnels" :

"C'est du gâchis.Toute l'équipe est là. Nous sommes organisés pour accueillir un maximum de gens. Du gâchis parce qu'on sait qu'il y a plein de gens dehors, qui veulent être mis à l'abri. Ils nous appellent pour nous demander pourquoi ils ne peuvent pas venir et on ne peut pas répondre. C'est la première fois où l'on se retrouve dans ce paradoxe : d'avoir des places et de ne pas pouvoir accueillir les gens qui en ont besoin", déplore Jean-Pierre Husson, directeur de ce centre géré par l'Armée du salut.

Pourquoi le plan grand froid n'est pas activé ? Le plan grand froid est activé lorsque l'on prévoit des températures négatives toute la nuit. Par exemple, lorsqu'il fait -5°c, les capacités d'hébergement augmentent de moitié dans les centres d'accueil. A Toulouse, mercredi, le plan grand froid a été levé. Du coup, sur les 11 lits disponibles depuis une semaine, 70 ont été supprimés, au plus grand désespoir des sans-abri. "On peut appeler dix fois, vingt fois. On nous dit qu'il faut qu'on se débrouille dehors, qu'on trouve un coin dans la rue abrité à côté d'un immeuble, comme c'est mon cas. Je vais me récupérer des cartons et je vais installer mon duvet. C'est n'importe quoi…", déplore Patrick, un SDF qui s'est à nouveau retrouvé à la rue. Dans la Ville rose, le 115 est obligé de refuser près de neuf appels sur dix.

Que dit le gouvernement ? Le gouvernement avait décidé de faire des SDF le grand chantier national 2008-2012. Parmi les propositions, il était même question de mettre fin à cette gestion saisonnière de l'hébergement très critiquée par les associations.

"Les gens, ils peuvent se débrouiller" :

"On gère le 115 au thermomètre alors qu'il faudrait le gérer à la demande. C'est-à-dire qu'on regarde quelle température il fait et à partir du moment où il ne fait pas si froid que cela, les gens peuvent se débrouiller. De fait, il y a une forme de cynisme politique qui consiste à dire : après tout, s'ils sont dehors c'est qu'ils l'ont bien cherché. Il ne fait pas si froid, on les laisse. Dans un pays riche comme le nôtre, on a tout intérêt à faire en sorte de ne pas arriver jusqu'à ces situations humanitaires. Même économiquement, en termes de santé publique, de délinquance, de production, on a tout intérêt à veiller à ce que personne ne dérape totalement", explique Mathieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars).

Que veulent les associations ? Les associations souhaitent qu'il y ait des places disponibles tout au long de l'année, rappelant que les sans-abri meurent plus l'été que l'hiver dans la rue. "Si on veut sortir les gens de la rue définitivement", ajoute Mathieu Angotti, "il faut les accompagner toute l'année".