Les héros de 14-18 oubliés des manuels

© Julien Muguet/MaxPPP
  • Copié
et Arthur Helmbacher , modifié à
Les nouveaux manuels d'Histoire font l'impasse sur Joffre, Foch ou Pétain. Polémique en vue.

La Première Guerre mondiale a perdu ses héros. Les nouvelles éditions des manuels scolaires pour troisième et terminale arrivent tout juste dans les salles de classe. Et la polémique sur les choix éditoriaux a déjà commencé. Dans ces ouvrages, place au génocide arménien, à l'indépendance de l'Algérie, au peintre Otto Dix. Mais exit les noms des maréchaux Joffre ou Foch. Celui de Philippe Pétain, qui dirigeait pourtant les soldats français lors de la victoire de Verdun, n'apparait qu'à partir de la Seconde Guerre mondiale.

"Comment comprendre l'arrivée de Pétain à Vichy?"

"J'ouvre le manuel Hachette. Et je ne vois pas apparaître le nom de Pétain pour la Première Guerre mondiale, alors que le manuel cite le nom du général allemand von Falkenhayn", s'étonne au micro d'Europe1 Hubert Tison, secrétaire général de l'Association des professeurs d'histoire-géographie. Le rôle de Pétain pendant la Première Guerre mondiale n'est souligné que chez Belin.

"On suit les instructions ministérielles, on ne fait pas l'impasse", explique Delphine Dourlet, chef des sciences humaines aux éditions Nathan, contacté par Europe1. "Par exemple : dans la Première Guerre mondiale, il faut aussi étudier la révolution russe. Et là on nous précise que l'étude s'appuie sur la présentation de personnages comme Lénine. Nous n'avons pas les mêmes recommandations pour Pétain", poursuit-elle.

Chaque année, les programmes scolaires sont réajustés. Et cette innovation intervient dans le cadre de la rénovation des programmes lancée par les ministres de l'Éducation Xavier Darcos et Luc Chatel. "Les programmes sont élaborés par une Commission nationale et l'Inspection générale, indépendamment des cabinets ministériels. Par ailleurs, les éditeurs sont indépendants, et il doit exister des manuels dans lesquels les noms de Joffre, Foch ou Pétain apparaissent", décrypte Clément Reyne, ancien conseiller de Xavier Darcos, contacté par Europe1.fr. 

Reste qu'une telle modification surprend. Car les liens entre la Première et la Seconde Guerre mondiale sont étroits. Du coup, appauvrir l'enseignement de la première risque de se faire au dépend de la seconde dénoncent de nombreux professeurs. "Comment comprendre l'arrivée de Pétain au pouvoir à Vichy en 1940 sans parler du héros qu'il était lors de la Première Guerre mondiale?", s'interroge  ainsi Hubert Tison.

"Les professeurs ne sont pas des imbéciles"

"Les professeurs ne sont pas des imbéciles, ils savent bien qu'on ne peut pas enseigner le rôle de Pétain pendant la Seconde Guerre mondiale sans expliquer son rôle durant la Première", répond sur Europe1 Laurent Wirth, le doyen et responsable de l'Histoire à l'Inspection générale. Il explique ce changement par une volonté de cesser "d'enseigner l'Histoire militaire à la papa" et "d'adapter les enseignements à la recherche scientifique".

Certains estiment également que cette modification n'appauvrit pas l'enseignement, mais en déplace juste le point de vue. "On sait bien que l'histoire n'est pas que celle des grands hommes. Ça c'est une vieille idée de droite, voire d'extrême droite, très réactionnaire. On peut très bien imaginer qu'un enseignant décide de raconter la bataille de Verdun du point de vue des soldats. On n'a pas forcément besoin de Pétain", estime par exemple l'historien Nicolas Offenstadt, au micro d'Europe1.

Au ministère, on temporise pour le moment. "Il est évident que dans le traitement de la Première Guerre mondiale, l'enseignant fera référence à ces figures de l'histoire, même si ce n'est pas dans le manuel. Si l'on se rend compte que certaines impasses existent, on pourra le compléter par des documents d'accompagnement", y déclare-t-on, selon des propos rapportés par Le Figaro.

Autre fait notable des nouveaux manuels : la Résistance et le régime de Vichy sont traités à la fin, après la construction européenne et la guerre du Golfe. Valérie Perthué, responsable éditoriale des sciences humaines chez Hatier, s'explique au Figaro. "C'est la particularité du nouveau programme, qui est à la fois chronologique et thématique."