Les Français sont-ils si "bons" que ça en orthographe ?

80% des Français s'estiment "bons en orthographe", selon un sondage de l’institut Mediaprism pour l'association les Timbrés de l’orthographe
80% des Français s'estiment "bons en orthographe", selon un sondage de l’institut Mediaprism pour l'association les Timbrés de l’orthographe
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DÉCRYPTAGE - Selon un sondage, 80% des Français se trouvent "bons en orthographe". Vraiment ?

Le chiffre. Quand il s'agit de leur plume, les Français font les coqs. Ils sont en effet 80% à s'estimer "bons en orthographe", selon un sondage de l’institut Mediaprism pour l'association les Timbrés de l’orthographe, publié mercredi par Le Parisien. Plus d’un quart (26%) affirment même qu’ils ne font "presque pas" de fautes, détaille le quotidien.

>>> La réalité semble toutefois moins glorieuse. Les Français sont-ils si "bons" que ça ? Eléments de réponse.

dictée, école

Le niveau baisse depuis 20 ans. Selon une note récente du ministère de l'Education, le nombre de fautes par dictée est passé de 10,7 en 1987 à 14,7 en 2007. Et le pourcentage de ceux qui faisaient plus de quinze erreurs est monté de 26% à… 46% sur cette même période. "Diverses évaluations montrent un effritement lent et progressif des compétences orthographiques. La régression touche plus encore l'usage correct de la conjugaison des verbes et la mise en œuvre des accords", déplorait encore l'an dernier le ministère dans un communiqué. Au niveau international, aucun classement ne compare le niveau des pays en d'orthographe. Mais en maitrise de l'écrit ou en lecture, la France est à la traine.

Dans le classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) de 2009, qui juge les élèves en la matière, l'OCDE classe ainsi la France 21e sur 65 pays développés. Le prochain palmarès doit paraître en décembre prochain, et la place de l'Hexagone sera peu glorieuse, a déjà prévenu le ministère de l'Education. Dans le PIAAC (programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes), les Français sont 22e, toujours selon l'OCDE. En 2011, enfin, la France se situait au 20e rang sur 32 dans l'enquête PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire) qui mesure les performances en lecture des enfants de 9-10 ans dans les pays développés. "Les élèves français restent dans la moyenne. Mais c'est la proportion de mauvais élèves qui augmente. Elle est passée de 15 à 20% de 2000 à 2009", détaille Eric Charbonnier, spécialiste de l'éducation à l'OCDE, contacté par Europe1.fr

orthographe

Le sondage ? "Une fumisterie !" Sur le terrain, les observateurs de l'emploi de la langue française confirment le constat dressé par les études. "Ce sondage est une fumisterie. J'ai animé et corrigé plus de 300 concours de dictée dans ma vie. J'en fais encore une vingtaine par an. Je le vois bien le niveau des Français : à part les grands champions, la moyenne est médiocre, quel que soit l'âge", témoigne ainsi Jean-Pierre Colignon, ex-jury du Dico d'or, ancien journaliste et correcteur du groupe Le Monde et auteur de plusieurs ouvrages sur la langue française. "Lorsqu'on les corrige, les gens tombent des nues. Ils accusent souvent l'Ecole. Mais selon moi, ils ne font surtout pas assez appel à leur logique. Or, l'orthographe de presque tous les mots a sa logique", explique l'expert, contacté par Europe1.fr.

"Sur les 8000 étudiants qui ont passé cette année nos tests, seulement la moitié avait un niveau correct", confirme également Pascal Hostachi, développeur d'outils d’évaluation en langue française, cité par Le Parisien. "Les gens croient être bons, mais ils ne le sont certainement pas. Ceux capables de ne faire que 5 fautes dans une dictée, type Dico d'or, ne représentent que 0,5% de la population", assène à Europe1.fr Philippe Davis, le président de l'association des Amis d'Alphonse Allais, qui regroupe des hommes de lettres et organise une grande dictée par an.

20.06 Instituteur prof élève école

C'est grave docteur ? Pour Eric Charbonnier, de l'OCDE, "l'orthographe permet de maitriser la langue. Mais ce n'est pas l'unique paramètre à prendre en compte". "Certains sont bons en orthographe mais ne savent pas forcément se servir de leur langue et la comprendre", estime-t-il. Outre l'apprentissage de la langue, l'orthographe reste toutefois un bon moyen de s'intégrer en société. Et, à l'inverse, les lacunes peuvent coûter cher. "Lorsqu'on est nul en orthographe on se sent toujours coupable. Socialement, c'est un énorme handicap. Professionnellement aussi", témoignait ainsi Anne-Marie Gaignard, l'an dernier dans Le Figaro. Auteure de La revanche des nuls en orthographe, elle a longtemps souffert de ses lacunes.

Avant  de se réconcilier avec la langue et d'ouvrir un centre de formation en orthographe pour salariés. Elle conclut, avec optimisme : "à 36 ans, pendant une dépression carabinée, j'ai décidé de trouver le moyen de ne plus faire de fautes. J'y suis arrivée! Tous ceux que je reçois en formation sont écorchés vifs. Pourtant une dysorthographie se corrige vite et bien. Un enfant qui sait à peine lire et écrire en sixième, retrouve un niveau correspondant à son âge en une semaine de prise en charge individuelle. [...] Mais pour transmettre un savoir, il faut de la pédagogie. Pour apprendre aux enfants à apprendre, selon leur forme d'intelligence, il faut savoir comment fonctionnent le cerveau et la mémoire."